Under the Silver Lake, de David Robert Mitchell

 

Sous le vernis

Under the Silver LakeAprès The Myth of the American Sleepover et It Follows, présentés à la Semaine de la critique, David Robert Mitchell, qui filme si bien les piscines, se retrouve dans le grand bain de la compétition cannoise. Dans le grand bain du cinéma aussi, puisque le jeune réalisateur, après avoir revisité le teen-movie et le slasher des années 1970 s’attaque au film noir et plus globalement à Hollywood, en s’installant dans le quartier périphérique de Silver Lake. Celui à côté, celui des aspirantes actrices devenues escort-girls, des jeunes trentenaires pétris de pop culture, passant de fête underground en projections au milieu des tombes d’illustres prédécesseurs. Un monde de la vacuité acidulé, au tons vifs, robes colorées et piscines lumineuses. Un monde auquel on cherche un sens en décryptant des codes cachés dans les paroles de chanson ou les jeux de boîtes de céréales. Une vision qui en appelle aux théories du complot – dont on ne saisit pas trop jusqu’à quel point elle est ironique pour le réalisateur – comme à la régression, nostalgie typique des trentenaires qui trouvent les réponses de la vie dans Mario Bros, dansent sur la musique des années 1990 et conservent leurs VHS. En cela, la portée de Under the Silver Lake est peut-être limitée, tant le film est générationnel, ultra-référencé jusqu’à l’overdose. Justement, de perte de sens et de conscience, il est aussi question. Sam, jeune glandeur fauché qui passe plus de temps à espionner ses voisines qu’à trouver un moyen de payer son loyer et les créances de sa voiture, se lance dans une enquête en solitaire lorsque l’une d’elles, l’intrigante et séduisante Sarah, disparaît brusquement. Obnubilé par la jeune femme qu’il n’a eu le temps de rencontrer que brièvement, il se lance au coeur des bas-fonds de ce quartier de Los Angeles, résolvant énigme après énigme, comme autant de niveaux d’un jeu vidéo old school. A travers les rencontres de Sam, un auteur de BD parano ou un compositeur de chansons populaires cynique, David Robert Mitchell glisse un discours sur les revers de la pop culture et ses messages subliminaux comme autant d’injonctions pour une génération sans idéaux. Mais maintenant qu’il a démontré un talent manifeste pour la mise en scène et ses capacités à produire des images léchées et parfois envoûtantes, le jeune réalisateur gagnerait à s’éloigner de ses références, qui le vampirisent autant que ses personnages.

 
Under the Silver Lake de David Robert Mitchell, avec Andrew Garfield, Riley Keough, Topher Grace… Etats-Unis, 2018. En compétition du 71e Festival de Cannes. Sortie le 8 août 2018.