BlacKkKlansman, de Spike Lee

 

Humour noir

Blackkklansman, de Spike LeeOn avait un peu perdu de vue Spike Lee, lui qui fut découvert en 1986 avec Nola n’en fait qu’à sa tête – nommé pour la Caméra d’or à Cannes – puis Do the Right Thing, en compétition en 1989. Il revient plus en verve que jamais, dans cette histoire rocambolesque de deux flics, un noir et un juif, infiltrés au sein du Ku Klux Klan. La situation a tout du pitch parfait, sorti de la tête du cinéaste à la casquette de militant. Et pourtant, l’histoire de Ron Stallworth, premier flic noir de Colorado Springs, est bien réelle. Sur un coup de bluff, en réponse téléphonique à une annonce parue dans un journal, il intègre le Ku Klux Klan, lui le jeune flic noir qui, auparavant, aura infiltré un groupe proche des Black Panthers. Grand écart garanti, mais il a assuré à ses chefs qu’il était bilingue en anglais noir de la rue et en anglais plus soutenu. Seulement, pour poursuivre l’enquête, il faut rencontrer en personne les membres du Ku Klux Klan. Problème quand on est noir et qu’on arbore fièrement la coupe afro, devenue un geste militant avec Angela Davis. C’est donc l’un de ses collègues, Flip Zimmerman (Adam Driver), qui s’y colle, lui aussi représentant un ennemi du Klan. En répétant les paroles de James Brown (« Say it Loud – I’m Black and I’m Proud »), Flip apprend à copier le phrasé de son collègue pour que l’illusion soit parfaite et que les deux jeunes flics passent pour un seul et même homme. C’est ce genre d’ironie qui parsème ce BlacKkKlansman, où l’on rit franchement de prendre les membres du Ku Klux Klan pour les imbéciles qu’ils sont, comme s’attache à le démontrer Spike Lee pendant près de deux heures. Sans perte de rythme, il transforme ce qui pourrait ressembler à une blague en petit polar qui se laisse regarder avec plaisir. Puis, vient la conclusion en forme de douche froide. Avec multiples clins d’oeil à Donald Trump, le réalisateur a montré pendant tout le film la bêtise et le racisme sur le ton de la comédie. Mais il conclut avec les images bien réelles et choquantes de Charlottesville, où les suprémacistes blancs ont défilé en août dernier et foncé sur la foule en voiture, faisant un mort. Une jeune femme, dont le nom s’inscrit à l’écran avec la mention « Rest in power ». Glaçant.

 
BlacKkKlansman de Spike Lee, avec John David Washington, Adam Driver, Topher Grace et Laura Harrier. Etats-Unis, 2018. En compétition du 71e Festival de Cannes. Sortie le 22 août 2018.