Brigsby le magnifique
Difficile de raconter Brigsby Bear sans spoiler quoi que ce soit. Car ce serait gâcher le plaisir immense de la découverte. Disons qu’il s’agit de l’histoire de James, 25 ans. Et de sa passion dévorante pour l’émission de télé Les Aventures de Brigsby Bear dont il possède tous les épisodes et les produits dérivés. Mais que tout ceci n’est qu’un vaste mensonge créé par amour pour lui. Que la réalité est plus doucereuse. Et qu’il aimerait bien se replonger dans ce mensonge protecteur, tout en incluant ce qu’il vient de découvrir du monde extérieur. Car oui, on est ici, au début du moins, dans le petit monde de James, autarcique et barricadé de verrières, de mathématiques et d’ours pelucheux. Un peu comme si Forrest Gump vivait dans le Truman Show ou dans Room et qu’il bricolait façon Gondry. Mais qu’on rirait davantage. Et qu’on serait touchés tout autant.
Coscénarisé par l’acteur principal (la découverte de l’échevelé Kyle Mooney, lunaire et provoquant une empathie immédiate), Brigsby Bear est une ode à l’enfance. James ne la quitte pas vraiment, même s’il sait qu’il a désormais un corps d’adulte, avec les pulsions sexuelles qui vont avec. Mais son obsession pour le personnage fictif avec lequel il a grandi et acquis toutes ses bases, aurait pu faire basculer le film dans le thriller et le drame. Il n’en est rien. C’est vers la tendresse que le réalisateur Dave McCary emmène son petit monde composé entre autres de Mark Hamill (oui, oui, Mark Hamill, s’il vous plaît), Claire Danes, Greg Kinnear ou Andy Samberg. Né dans les années 1980, le réalisateur signe pour son premier long-métrage un film culte, aux références multiples, forcément geek (de Star Trek au Réveil de la Force), mais toujours distillées savamment. Tout reste en clin d’œil, sans s’imposer, sans venir gâcher une histoire suffisamment forte. Passage de l’enfance à l’âge adulte en accéléré, Brigsby Bear se savoure comme un gâteau au chocolat qui ne serait pas écœurant, avec suffisamment de sucre pour faire passer l’amertume du cacao. La mélancolie, toujours en toile de fond, reste à sa place et observe la joie l’emporter, l’espoir la supplanter, l’amour (filial, fraternel, amical…) faire son nid, petit à petit. Et tout ceci, grâce à un mensonge qui aurait pu ruiner une vie en éclatant au grand jour et qui au contraire, contribue à construire James toujours un peu plus. Comme quoi, tous les mensonges ne sont pas mauvais à entendre.
Brigsby Bear de Dave McCary, avec Kyle Mooney, Greg Kinnear, Mark Hamill, Claire Danes, Andy Samberg… Etats-Unis, 2017. Présenté à la 56e Semaine de la critique.