Coby, de Christian Sonderegger

 

Coby, de Christian Sonderegger« Je me sens toujours femme : j’ai toujours 21 ans de femme derrière moi, je l’ai été plus longtemps qu’un homme », tente d’expliquer Jacob à deux collègues féminines, qui peinent à comprendre. Avant d’être Jacob, il était Suzana, et pendant sa période de transition (sous prise de testostérone) il était… Coby. A 18 ans, Suzana informe ses parents de son homosexualité. A 21 ans, elle commence les injections de testostérone.

Dans ce documentaire édifiant (aux petits airs de Laurence Anyways de Xavier Dolan), Christian Sonderegger a filmé sur plusieurs années la transition sexuelle de son frère cadet, né femme. Nous découvrons dans un cadre familial à quel point le choix de Suzana a chamboulé les vies de ses proches. Celles de Christian, de son père, de sa mère, et de la petite amie de Coby, Sara. Tous sont sans cesse en gravitation autour du protagoniste.

 

De la confusion des genres

Coby alterne entre témoignages, photographies d’un Coby petite fille ou adolescente, extraits de vidéos Youtube où Coby et Sara racontent les changements progressifs d’une femme sous testostérone, et le présent, mis en scène pour la bonne cause. Dans ce présent, Jacob ressemble à un jeune homme tout ce qu’il y a de plus normal : costaud, barbu, voix grave. Pourtant, il n’a pas subi l’opération dont on parle tant, celle du changement de sexe. Pour sauver les apparences, il utilise des prothèses génitales. Deux conversations importantes marquent les esprits. La première dans un café où, le cadre dûment posé, Sara raconte à Jacob que depuis qu’il ressemble à un homme et que les gens le prennent pour tel, elle s’est mise à rêver de lui avec un pénis. Allez comprendre. Dans le salon, Jacob explique à Christian la raison qui pourrait retarder l’intervention médicale visant à lui retirer un utérus devenu inutile : Sara est terrifiée à l’idée de porter un enfant et s’y refuse, mais si un jour ils en veulent quand même un… l’utérus de Jacob serait une alternative. Oui, c’est compliqué.

Amour, toujours

La chose la plus impressionnante, c’est la bienveillance des parents, qui ont totalement accepté le changement de leur fille, même si ça n’a pas toujours été le cas. Cet amour se retrouve dans la manière de filmer de Christian Sonderegger. Il est émouvant de ressentir toute l’affection et le soutien qu’il porte, lui et les autres, à sa sœur. Le film Coby glisse avec aisance sur un sujet aussi délicat et méconnu que la transsexualité, pour renverser et écrabouiller les préjugés. Big up pour l’incroyable Sara, qui a démarré sa relation avec Jacob du temps où il était Suzana, et ne l’a jamais lâché depuis. Elle explique à quel point il est parfois difficile de (re)trouver sa place quand on se promène aux côtés du centre absolu de l’attention.

Regarder ce documentaire pour quelqu’un qui ne connaît la transsexualité que de loin, c’est découvrir comment ça se passe, psychologiquement et physiquement. Pour tout le monde, c’est réaliser à quel point la vie que l’on mène est déterminée par son sexe. La difficulté d’y voir clair quand les deux genres s’entremêlent est à se donner une migraine, mais peut-être faut-il simplement arrêter de se poser trop de questions. Comme avec Coby, ce jeune homme qui se sent pleinement homme à l’extérieur, mais toujours femme à l’intérieur. Point barre.

 
Coby de Christian Sonderegger. France, 2017. Présenté à la sélection ACID au 70e Festival de Cannes.