February, d’Oz Perkins

 

February, d'Oz PerkinsOsgood « Oz » Perkins, acteur et fils du très tranchant Anthony Perkins (inoubliable Norman Bates de Psychose d’Alfred Hitchcock), signe ses débuts derrière la caméra avec February, un récit horrifique au féminin pris dans la glace d’un hiver moribond.

Kat (Kiernan Shipka, de Mad Men) et Rose (Lucy Boynton) sont pensionnaires à Bramford, une prestigieuse institution catholique pour jeunes filles. C’est la fin février et bientôt les vacances. Alors que toutes leurs camarades retrouvent leurs parents venus les chercher, les deux étudiantes sont mystérieusement « oubliées » et contraintes de passer quelques jours supplémentaires entre les murs de l’internat, en attendant d’avoir des nouvelles de mummy et daddy… A des kilomètres de là, Joan (Emma Roberts, de Scream 4 et American Horror Story) quitte prématurément ce qui semble être un hôpital – psychiatrique ? Assise seule sous la neige, sur un banc d’une gare routière, elle est abordée par un homme, la cinquantaine (James Remar), qui lui propose gentiment de l’aider et de l’emmener en voiture là où elle le désire. Joan accepte. Direction ? L’institut de Bramford. Pourquoi ? On ne le sait pas (encore). Mais alors que son voyage prend de sanglantes tournures, à l’institut, Kat se retrouve assaillie de visions et de voix maléfiques de plus en plus effroyables.

Oz Perkins nous invite donc à suivre deux pistes narratives simultanées et à accompagner les gestes et les pensées de ces trois adolescentes aux tempéraments très différents. Kat, la petite nouvelle de l’école, blonde fragile, taciturne et introvertie. Rose, l’ « ancienne », la jolie brune hautaine et revêche qui fume et qui fait le mur. Et Joan, nerveuse, excitée, agitée. Trois lignes de vie, trois fils du destin enchevêtrés que Perkins prend soin de dénouer lentement, très lentement, dans une réalisation élégante et subtile. Car si le thème de la possession compte parmi les marronniers du genre, le cinéaste nous en propose ici une approche quasi « auteurisante » de par son traitement. Images (de Julie Kirkwood) et matériaux sonores (d’Elvis Perkins, le frère) œuvrent de concert pour mieux nous figer dans le froid glacial de cet inquiétant mois de février. Plans aux compositions complexes, visages décentrés, coupés, vrombissements sourds, silences écrasants. Oz Perkins instille insidieusement le trouble en démultipliant les sources de tension, ne laissant saillir l’horreur que par petites touches, sans jamais s’y complaire. A l’écran, cela n’a l’air de rien. L’effet, lui, est redoutable. A tel point qu’on en viendrait presque à douter de la nature de l’emprise dont est victime Kat. Est-elle véritablement maligne ? Ou simplement fantasmée, désirée, tentative désespérée d’une adolescente noyée dans une immense solitude et prête à suivre le premier mentor venu, même diabolique ? Perkins laisse les portes ouvertes.

C’est certain, en tout cas, cet Oz-là est un magicien. Et chez les Perkins, on fait donc dans la coutellerie de père en fils. Car si Anthony a su offrir à Hitchcock le plus célèbre coup de couteau de toute l’histoire du cinéma, Oz nous assène aujourd’hui un splendide coup de poignard en plein cœur d’un des plus grands thèmes du cinéma de genre : ce February est une belle et lancinante variation, terrifiante et mélancolique, autour du thème de la possession, doublée d’une subtile réflexion sur l’adolescence, le sentiment d’abandon et la quête d’identité.

 
February d’Oz Perkins, avec Emma Roberts, Kiernan Shipka, Lucy Boynton… Etats-Unis, 2015.