Okja, de Bong Joon-ho

 

Okja, de Bong Joon-hoVing-six. C’est le nombre de supercochons conçus par la société Mirando et confiés en élevage à autant de fermiers autour du globe. L’objectif : donner un visage humain aux OGM en décernant, dix ans plus tard, un prix dûment médiatisé au modeste éleveur dont les soins attentifs auront produit la plus belle bête.

La décennie a passé. Au cœur des montagnes coréennes, nous rencontrons la petite Mija (Ahn Seo-hyeon) et sa meilleure amie Okja, une porcidé géante au cœur tendre. Entre promenades sous les vertes cimes et soins réguliers prodigués à la bête, la vie semble idyllique pour ces inséparables. Las : la Mirando Corporation ne tarde pas à se manifester, déclarant Okja la gagnante du concours et l’embarquant aussi sec pour New-York. Mija se lance alors à sa poursuite, bien décidée à arracher son amie aux griffes de la sévère Nancy Mirando (Tilda Swinton) et de son burlesque acolyte, le docteur Johnny Wilcox (Jake Gyllenhaal).

Sans être expert de Cannes, on peut parier que le public du festival n’est guère habitué à suivre les tribulations d’un énorme cochon de synthèse. Et que le terme « rebondissement » n’est pas un éloge dans la bouche de son jury. Curieux choix, donc, de la part des sélectionneurs de ce 70e Festival de Cannes. Serait-il motivé par le désir de Thierry Frémaux d’intégrer des films Netflix à sa compétition ?

Ne soyons pas trop snobs. Le film fonctionne : une héroïne attachante, un cochon remarquablement bien conçu pour lequel on se prend de compassion, et une fin qui réchauffe le cœur. Un schéma classique de cinéma, quoi. Filmé, qui plus est, par un réalisateur attaché à la beauté de ses images. Et c’est tant mieux.

Au-delà de la controverse Netflix-ou-pas et du clash porcidé-contre-robe-de-soirée, on reprochera cependant au film une certaine lourdeur de propos. Les personnages de Gyllenhaal et de Swinton sont de parfaites caricatures de la méchante PDG et du névrosé médiatique. Et, bien pire, les séquences sur le traitement réservé aux supercochons ne font pas dans le subtil. Animaux parqués, carcasses tronçonnées, bouts de chair conditionnés par d’implacables machines… pile au moment où l’on s’est pris d’empathie pour l’anthropomorphe Okja. Les plus férus de psychanalyse y verront sûrement la métaphore du passage de Mija à l’adolescence, ou autre rite initiatique du genre. Pourquoi pas, mais c’est bien indigeste.

Malgré d’indéniables qualités de narration, le film pêche donc par excès de militantisme graphique. Mais peut-être permet-il de rappeler au monde que le Festival de Cannes, c’est avant tout des gencives de porc.

Okja de Bong Joon-ho, avec Ahn Seo-Hyeon, Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal… Corée du Sud, 2017. En compétition au 70e Festival de Cannes. Sortie le 28 juin sur Netflix.