Wajma, de Barmak Akram

 

Wajma de Barmak AkramElle a 20 ans et lui 25. Ils sont amoureux. Un soir, pour fêter l’entrée de la demoiselle à la faculté de droit, ils s’adonnent à quelques coquines facéties. Lesquelles ont pour conséquence une grossesse imprévue et, pour la jeune fille, une peur panique de l’annoncer à sa famille. On oublie de préciser en effet que l’histoire (tirée de faits réels) se situe en plein Afghanistan et que les deux tourtereaux se prénomment Wajma et Mustafa. Et que la loi permet tranquillement d’assassiner deux amants illégitimes pris sur le fait sans en être inquiété. Le rêve absolu. Inutile de dire, dans ces conditions, que nous n’allons pas assister à un remake afghan de Juno, loin s’en faut. Point de petites chansons à la guitare guillerettes pendant que le ventre s’arrondit. Non, ici, Wajma est plutôt reçue à coup de ceinturons et de brimades, avant que son père, déçu et déshonoré ne propose à la cantonade qu’on fasse un autodafé de sa fille. Quant à Mustafa, n’ayant aperçu d’hymen percé par ses coups de butoir, il considère sa promise comme la dernière des roulures sans vertu et refuse de l’épouser et devenir le père de cet enfant déjà maudit de tous.

Il n’y a pas que le sexe qui est mis en cause. Non, l’autre ennemi à proscrire, c’est évidemment la liberté : la mère de Wajma conduit et ne porte pas le voile, les enfants ont un téléphone portable et sont (à peu près) libres de sortir et d’étudier. Et cette sacro-sainte liberté devient la pécheresse infernale, celle par qui le scandale arrive désormais et engrosse les jeunes filles qui auraient dû être surveillées d’un peu plus près. Après Synghé Sabour, pierre de patience, Wajma (prix du meilleur scénario international au dernier festival de Sundance) dresse un autre portrait édifiant de la société afghane actuelle, perdue entre une promesse de liberté pour les uns et des valeurs archaïques et moyenâgeuses pour les autres. Interprété si justement, que l’on a l’impression d’assister à un documentaire façon Strip-tease (mais en moins décalé). Le personnage de Wajma, bercé de candeur au sortir de l’adolescence, emporte l’empathie du spectateur. Il fait peine de la voir ainsi ballottée entre un amour qui grandit jusqu’à l’acte consommé, puis rejetée par ce même amour qui semble ne plus vouloir la reconnaître, jusqu’à se retrouver confrontée à une voie à quatre issues : le suicide, être battue à mort par son père, l’avortement en Inde (cet acte étant encore considéré comme un crime en Afghanistan), ou bien garder l’enfant en vivant cachée et recluse à la campagne et oubliée de tous… C’est dire si tout à coup, il nous vient une envie de chérir notre société française imparfaite et qui se déchire pendant ce temps dans de si futiles débats…

 
Wajma de Barmak Akram, avec Wajma Bahar, Mustafa Abdulsatar, Haji Gul Aser et Brehna Bahar. Afghanistan, 2013. Programmation Acid Cannes 2013. Sortie le 27 novembre 2013.

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