Tip Top, de Serge Bozon

 

Sandrine Kiberlain et Isabelle Huppert dans Tip TopDès la première scène, où François Damiens pousse la porte d’un bar, vocifère des insultes racistes et homophobes à tous les occupants tout en intercalant des « Vive François Bayrou ! » et autres « Vive Henri Emmanuelli ! », le ton est donné : Tip Top joue avec l’image de ses acteurs, fait rire, et vire dans le foutraque. Isabelle Huppert se caricature en femme de pouvoir à la fois froide et foldingue. Sandrine Kiberlain joue la godiche qu’elle a autrefois chantée. Samy Naceri fait une apparition en homme violent mais amoureux (c’est elle qui demande). François Damiens oscille entre le benêt à la tête de pervers et le flic touchant, plus futé qu’il n’en a l’air. Serge Bozon joue aussi avec les corps pour virer au burlesque, avec les situations et les dialogues pour confiner à l’absurde. Tous ces registres de comique s’enchaînent et s’entremêlent dans une valse souvent très drôle, orchestrée dans un artifice nous rappelant jusqu’à l’outrance que finalement tout cela, ce n’est que du cinéma. Au sens littéral. Rien d’autre ne semble intéresser le réalisateur que le jeu. Le jeu avec les codes, avec les conventions, avec les images. Il brouille les pistes et se concentre sur les interactions entre ses personnages (le numéro de duettistes de Sandrine Kiberlain et Isabelle Huppert, aussi différentes au départ que ressemblantes à la fin), et entre les groupes. Dans ce jeu du chat et de la souris, il n’y a finalement pas de bons et de méchants, chacun traînant ses tares – y compris le personnage de Virginie, continuellement vêtue de blanc, qui finit par se tacher. D’ailleurs, Serge Bozon se moque bien de son intrigue, qu’il ne prend pas la peine de conclure, lui préférant une fin abrupte, aussi éloquente que l’est la première scène. Tip Top est un film où ça claque, ça gueule et ça rit, dans un joyeux brouillon. Ce qui est bien, mais pas top.

 
Tip Top de Serge Bozon, avec François Damiens, Isabelle Huppert, Sandrine Kiberlain… France, 2013. Présenté à la 45e Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes. Sortie le 11 septembre 2013.

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