Parasite, de Bong Joon-ho

 

Les hôtes

Parasite, de Bong Joon-hoJean-Luc Mélenchon a dit dans le passé au sujet de sa consoeur sénatrice : « Après la catastrophe atomique, il restera les cafards, les fourmis et Marie-Noëlle Lienemann ! » Il en va de même avec la famille de Ki-taek, chômeurs et spécialistes de l’arnaque, et « parasites » auxquels se réfère le titre. Vivotant dans un entresol, ils chopent le wi-fi de la boutique d’à côté, se plaignent que les riverains avinés viennent se soulager devant leur fenêtre, acceptent le moindre petit job. Puis l’occasion se présente pour le fils, Ki-woo, de devenir le prof d’anglais de la fille d’une famille riche, les Park. Une maison d’architecte épurée, un jardin impeccable, une mère fragile et une gouvernante qui régente tout, Ki-woo voit grand et saisit l’opportunité de se faire une place dans cette vie bourgeoise à laquelle il est totalement étranger. Conte cruel et jouissif, Parasite explore les thèmes du mépris de classe comme des liens familiaux, souvent présents dans le cinéma de Bong Joon-ho. Après le polar ou le film de monstres (gentils et méchants), le cinéaste sud-coréen embrasse ici tous les genres. « Une comédie sans clowns, une tragédie sans méchants », dit-il dans le dossier de presse. Un thriller efficace, aussi. Et une mise en scène au diapason de l’évolution d’une histoire foisonnante et surprenante. Resserrée quand il filme ses personnages tapis dans leur appartement miteux, majestueuse dans les décors de cette maison aux secrets glaçants, à la fois inquiétante et drôle au fur et à mesure que l’intrigue se dévoile. Après une première partie tonitruante à l’humour grinçant, Parasite s’enfonce de plus en plus dans la noirceur, pour se conclure sur un propos politique qui, s’il n’est pas des plus subtils, vaut comme un constat toujours salutaire que ne renierait pas un Ken Loach sous amphétamines. Deux sociétés, littéralement celle d’en haut, au soleil, et celle d’en bas, dans les égouts, qui s’ignorent et ne peuvent cohabiter. Et la concurrence exacerbée, dans les sous-sols, pour espérer grimper quelques marches.

Parasite de Bong Joon-ho, avec Song Kang-ho, Choi Woo-shik, Park So-dam, Cho Yeo-jeong… Corée du Sud, 2019. Palme d’or du 72e Festival de Cannes. Sortie le 5 juin 2019