Les Siffleurs, de Corneliu Porumboiu

 

Là-haut sur la colline

Les Siffleurs, de Corneliu PorumboiuLes premières notes de I’m a Passenger d’Iggy Pop se font entendre alors que Cristi et son air soupçonneux débarquent aux Canaries. Le ton est donné. Les Siffleurs sera décalé, drôle, entraînant. Corneliu Porumboiu poursuit son travail d’exploration du langage et de la corruption, entamé avec 12h08 à l’est de Bucarest et Policier, adjectif. Cette fois, le langage est sifflé, et ainsi secret, et si le flic corrompu se rend sur l’île de La Gomera, c’est pour l’apprendre. Un lieu au nom bien choisi pour appréhender les rudiments d’une langue vouée à converser avec la mafia. Car si le langage intéresse le cinéaste, la corruption est l’autre thème de son cinéma. Plus qu’une dénonciation, elle sert ici de cadre à un polar efficace. Construit en flash-backs et chapitres colorés autour de chacun des personnages, Les Siffleurs se dévoile peu à peu, par bribes, dans des séquences courtes, percutantes, parfois abruptes. Corneliu Porumboiu amuse, surprend, détourne. On pense autant à Hitchcock – à Doris Day et son Que sera sera, tant la musique est utilisée comme code, comme au motel de Norman Bates, dans un clin d’oeil savoureux – qu’aux films noirs, avec un rôle de femme fatale (la bien nommée Gilda), qui ne dévoile jamais vraiment son jeu. Pourtant, loin d’être écrasé par les conventions et références qu’il convoque, Corneliu Porumboiu parvient à signer un film original, maîtrisé de bout en bout. A l’image de son personnage principal, spectateur averti qui enregistre les codes pour mieux les retourner à son avantage.
 
Les Siffleurs de Corneliu Porumboiu, avec Vlad Ivanov, Catrinel Marlon, Sabin Tambrea, Rodica Lazar… Roumanie, France, 2019. En compétition du 72e Festival de Cannes