Marguerite et Julien, de Valérie Donzelli

 

Beaucoup de bruit pour rien

Marguerite et Julien, de Valérie DonzelliIl y a ceux qui ont l’ambition de faire du cinéma et portent un projet cinématographique (Le Fils de Saül, Mia madre, Chronic, La Loi du marché et ceux qui ont juste l’ambition de se tenir derrière une caméra. La sentence peut sembler péremptoire, mais c’est pourtant ce que l’on ressent devant le Marguerite et Julien de Valérie Donzelli.

Inspirée d’une histoire vraie, celle du fils et de la fille du seigneur de Tourlaville exécutés en place de Grève pour adultère et inceste en 1963, le film est aussi « la redécouverte d’un film perdu de François Truffaut ». Le réalisateur des 400 Coups avait, en effet, été intéressé par l’histoire, sur laquelle le scénariste de Jules et Jim, Jean Gruault, avait travaillé. Bref, passons sur ce choix ambitieux qui a le mérite de montrer que Valérie Donzelli n’a pas peur de relever des défis et regardons l’ouvrage…

Le film commence avec sa voix off qui invite au conte, des enfants filmés avec grâce et élan qui jouent, courent, se tiennent la main en toute innocence sous le regard inquiet des adultes. Puis Anaïs Demoustier et Jérémie Elkaïm apparaissent : beaux, élégants, fragiles… On tomberait presque sous le charme de cette histoire d’amour qui vous tombe dessus. Au premier abord, le parti pris d’un film d’époque qui n’en aurait pas, séduit. Ici, les policiers portent l’uniforme des soldats de 14-18, les calèches croisent des voitures de collection et des hélicos, on écoute la radio. Et puis (et c’est sans doute l’une des jolies réussites du film) on porte des habits d’aujourd’hui que l’on agence à la mode moyenâgeuse…

On aurait presque envie de se laisser conter l’histoire si la réalisatrice de La guerre est déclarée (film Facebook, fan de filtres Instagram et de citations foireuses) n’avait pas péché par excès de lyrisme et de motifs empruntés (Peau d’âne en tête de liste). Si elle ne nous avait pas saoulés de son cinéma ampoulé, faussement libre, où les gens parlent comme dans des livres mal écrits.

Défaut récurrent dans son cinéma : les effets de manche. Multiples et vains. Et que je te fige mes personnages avant qu’ils ne reprennent le jeu. Et que je décide, là comme ça, d’intégrer des photos de paparazzis pour représenter l’arrestation des deux amants en cavale. Et que je passe mon temps à bien placer les objets dans mon cadre, façon magazine de design sur papier glacé… On n’en peut plus !

Qu’aurait été Marguerite et Julien si toute cette énergie dépensée avait été mise au service d’un propos ? Autre chose qu’un exercice d’art plastique qu’un élève trop zélé gâcherait de quelques grossiers coups de crayon faute de n’avoir su s’arrêter à temps. Autre chose qu’un film pop qui se veut branché. Exit l’ardeur de la passion interdite qui aurait dû nous bouleverser. Reste Anaïs Demoustier qui offre une Marguerite mystérieuse et charmante… La touche subtile du film.

 
Marguerite et Julien de Valérie Donzelli, avec Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, Frédéric Pierrot… France, 2015. Présenté en compétition au 68e Festival de Cannes. Sortie le 30 septembre 2015.