Dans la terrible jungle, de Caroline Capelle et Ombline Ley

 

Entrées de chant

Dans la terrible junglePour ceux qui se demandent, oui, Dans la terrible jungle emprunte son titre au Lion est mort ce soir, revisité en version rap en conclusion. Car de musique il est beaucoup question dans ce film à mi-chemin entre documentaire et fiction. Les deux réalisatrices nous plongent au coeur d’un IME (institut médico-éducatif), avec ces jeunes handicapés, à des degrés divers, en formation pour intégrer un Esat (établissement et service d’aide par le travail). Mais de leurs handicaps ou, plus généralement, de leurs parcours personnels, il n’est pas question. C’est un exercice d’immersion, sans contexte. Des instants de vie, typiques des adolescents lambda, pétris de questions sur leur avenir un peu bouché (« Après l’IME, c’est soit l’Esat soit c’est tout », dit l’une), sur la manière d’aborder une fille ou de s’oublier dans les histoires d’amour télévisées. Les moments de groupe sont essentiellement dévolus à la formation, et, dans des plans aux cadres très travaillés, l’humour se glisse par une entrée de champ incongrue, un arrière-plan surprenant, laissant entrevoir que l’on n’est pas dans le documentaire pur. L’humour vient aussi de la tchatche de certains, du burlesque d’autres. Mais le plus surprenant, c’est leur rapport à la musique. Dans de longues impro, l’une chante dans un yaourt parfait, l’autre est la reine des percus. Ces jeunes, qui ont parfois du mal à s’exprimer, se libèrent par la musique ou par la danse. Ophélie, le personnage le plus marquant, a l’élocution difficile mais chante parfaitement, et, surtout, transforme tout, même son corps et son corset ou un sac plastique, en instrument pour rythmer ce film étonnant. Les difficultés ne sont pas occultées, notamment avec les crises de violence de deux des pensionnaires, qui font face au calme des éducateurs. Une confrontation à l’image du film, où les plans sont longs et statiques mais au sein desquels le bouillonnement des personnages prend toute sa place.

 
Dans la terrible jungle de Caroline Capelle et Ombline Ley, avec Ophélie Lefebvre, Léa Lenoir, Médéric Sergott… France, 2018. Présenté à la sélection ACID au 71e Festival de Cannes.