Cannes Classics 2015 : rencontre avec Gérald Duchaussoy

 

Sur la croisette il y a la Sélection officielle, la Quinzaine des réalisateurs, la Semaine de la critique… et il y a également Cannes Classics. Ici, pas de compétition mais un hommage rendu au septième art à travers des projections de films anciens restaurés. Costa-Gavras invité d’honneur, un documentaire exceptionnel pour célébrer soixante ans de Palmes d’or, des hommages à Orson Welles et aux frères Lumière, une ribambelle de chefs-d’œuvre : l’édition 2015 promet d’être intense. Rencontre et lumière avec Gérald Duchaussoy, assistant de Thierry Frémaux à Cannes Classics et au Cinéma de la Plage.

 
Thierry FrémauxQuelle est la date de naissance de Cannes Classics ?
En 2004, Thierry Frémaux a décidé de créer cette section afin de présenter tout un pan du cinéma de patrimoine qui, suite à la transition de la pellicule vers le numérique, était en train de se diriger vers une révolution, la restauration des films, c’est-à-dire un travail titanesque afin d’obtenir une image et un son de tout premier ordre.

Quel était le dessein de cette sélection ?
Montrer des copies restaurées en première mondiale dans l’écrin du plus grand festival au monde et dans des conditions optimales. Faire vivre l’histoire. Notre histoire commune, celle de tous ceux qui vibrent grâce à la magie de cet écran et de ses enceintes.

Affiche de Pépé Le MokoLe premier “film classique” a avoir été projeté à Cannes ?
C’est difficile à dater car il y a avait déjà des rétrospectives ou des films de patrimoine parfois auparavant, des rétrospectives par thème aussi, ainsi que les préludes de Gilles Jacob qui mettait le cinéma de patrimoine à l’honneur via des courts-métrages emplis d’humour et de légèreté, montages d’extraits de classiques (ou pas !). Le premier classique en numérique fut, je crois, Pépé, le Moko de Julien Duvivier en 2002.

Aujourd’hui, c’est quoi Cannes Classics ?
Une section du Festival de Cannes dédiée à la cinéphilie, à la découverte ou la redécouverte, avec des présentations, des artistes sur scène, des documents sur le cinéma, des invités d’honneur, le cinéma de patrimoine en mouvement, qui vit au rythme des restaurations et des nouveaux projets. Par exemple, cette année, le grand studio japonais Toei, dont Combat sans code d’honneur de Kinji Fukasaku a été retenu en sélection officielle à Cannes Classics, lancera son département de films restaurés à Cannes avec ce film. C’est un plaisir d’accompagner ce mouvement et d’être curieux du passé.

Comment et par qui sont choisis les films projetés ?
Thierry Frémaux est le responsable de Cannes Classics et donc de sa sélection. Quant au choix des films, c’est une question d’équilibre entre de nombreuses cinématographies, la qualité des restaurations, les chefs-d’œuvre et les pépites méconnues.

Qui fréquente ces projections ?
Des distributeurs, des exploitants, des détenteurs de catalogue, des journalistes et des cinéphiles, qui sont toujours les bienvenus. Le seul but, c’est de permettre aux films de vivre, d’êtres vus et de continuer leur vie après Cannes.

Les copies restaurées le sont-elles spécialement pour Cannes Classics ?
Pas forcément, mais l’objectif que se fixent de nombreuses entités, c’est de restaurer le film suffisamment tôt pour faire partie de la sélection Cannes Classics !

Que signifie “restaurer une copie” ?
Repartir du master s’il existe encore, le scanner et gommer les scories, refaire l’étalonnage. C’est un processus complexe et qui pose de nombreuses questions philosophiques aux restaurateurs : qu’enlever ? Que garder ? Quelle teinte obtenir ?

Pulp Fiction, de Quentin TarantinoQui le fait ?
Des laboratoires spécialisés tels Digimage Classics, Technicolor, l’Immagine Ritrovata à Bologne, des départements d’université ou de studio.

Que deviennent les films, documentaires… une fois Cannes Classics terminé ?
L’avenir est radieux pour les films restaurés avec tous les écrans autour de nous : salle, télévision, tablette, téléphone, visionnage en avion. Mais rien ne remplace les vibrations d’une salle de cinéma et nous sommes là, à Cannes Classics, pour répandre cette énergie.

Y a-t-il des critères qui définissent un classique ?
Comment évoquer des critères ? Une œuvre d’art n’obéit à aucune grille. Parfois, des films sont en avance sur leur époque, d’autres sont en phase ou décalés puis réévalués. Selon moi, Pulp Fiction de Quentin Tarantino est LE classique instantané, il restera dans l’histoire et on l’étudiera ou y prendra du plaisir encore très, très longtemps.

Qu’est-ce qui fait qu’un film devient un classique ?
Sa place dans l’histoire du cinéma, alliance commune des directeurs de festival, des critiques, des universitaires, du grand public et des passionnés du septième art.

Comment résumereriez-vous la sélection Cannes Classics 2015 ?
En deux mots : richesse et éclat. Parce que la programmation s’avère d’une densité palpable et en raison de la palette chromatique des films montrés. Un arc-en-ciel d’émotions et de couleurs, vraiment.

Ascenseur pour l'échafaudDes choses à ne pas rater cette année ?
La Légende de la Palme d’or d’Alexis Veller, qui narre le rapport des plus grands réalisateurs à la Palme d’or, à leur Palme d’or. Comment cela a changé leur vie, leur vision du cinéma et leur carrière. Passionnant.
Les Sans-Espoir de Miklos Jancso, réalisateur d’une précision subtile et intense, sans compter son sens inouï du cadre rigoureux. Tout Welles, sans distinction. Combat sans code d’honneur, un thriller renversant de virtuosité et de richesse historique. Insiang, superbe film philippin, à la photo incroyable et à la narration horrifique glaciale. Le mélange du noir et blanc et de la couleur alliée à une narration postmoderne du film Les Ordres de Michel Brault. Et Z, de Costa-Gavras, invité d’honneur, pour finir sur la plus belle lettre de fin du cinéma.

A quoi va ressembler le film Lumière !, projeté à l’occasion des 120 ans de la création du cinématographe ?
Une sélection de films Lumière restaurés dans le Grand Théâtre Lumière, digne retour des choses. A voir absolument car si je vous parle aujourd’hui c’est en grande partie grâce à eux.

Rien sur les 120 ans de la Gaumont ?
Bien sûr que si ! Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle en version restaurée en première mondiale et Pierre Richard, himself, au cinéma de la Plage en compagnie de Nicolas Seydoux, pour présenter Le Grand Blond avec une chaussure noire d’Yves Robert. Ça aussi, c’est la diversité de Cannes Classics.