Toomelah, d’Ivan Sen

 

 
Toomelah, d'Ivan SenIl est suffisamment rare de voir un film australien sur nos écrans pour s’en réjouir. Enfin, par « australien », je veux dire « natif », sur l’Australie, sur les Aborigènes, habitants du « temps du rêve ». Exit donc les George Miller (le papa de Mad Max), Nicole Kidman (botoxée bankable) et autres Baz Luhrmann (responsable, hélas, de plusieurs erreurs cinématographiques). C’est Toomelah, donc, le film du jour ; l’histoire de Daniel, 10 ans, habitant de la réserve aborigène de Toomelah, au nord-ouest de la Nouvelle-Galles du Sud. Une des plus pauvres communautés indigènes du pays, un père éloigné alcoolique, une mère démissionnaire shootée : Daniel trouve refuge près des bad boys de la communauté, dealers repris de justice. Les grands se lient d’amitié pour cet enfant sauvage qui sèche l’école et se bat avec ses camarades. Son destin semble tout tracé et reproduire parfaitement celui des paumés de la réserve qui l’ont précédé. A ce stade de l’histoire, on pourrait imaginer que le pathos envahisse l’écran, surtout quand l’horrible musique d’Akon accompagne une partie de rugby champêtre. Mais soyons gentils, si nous laissons de côté Akon, le réalisateur Ivan Sen se garde bien de réserver à Toomelah un rôle misérabiliste et culpabilisant. On devine un point de vue fort de la part du cinéaste, évidemment, quand il montre ce gosse fasciné par les gangsters et ému par l’histoire de son pays qu’il ne comprend pas encore comme il faudrait. Mais Ivan Sen partage surtout le quotidien de ces gens, qui se révèlent finalement avoir une furieuse envie de vivre et aspirent – comme tous – au bonheur. En filmant les véritables habitants de la réserve (les acteurs sont presque tous amateurs), les paysages grandioses et sans âge du bush australien, Ivan Sen nous invite au voyage et à l’authenticité. Et confirme que le Festival ne s’est pas trompé en le sélectionnant au Certain Regard. Même si Akon.

Toomelah, de Ivan Sen avec Daniel Connors, Christopher Edwards, Dean Daley-Jones et Danieka Connors. Australie, 2011. En sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes 2011.