The Good Lie, de Philippe Falardeau

 

Ca, ça m’énerve

The Good Lie, de Philippe FalardeauReese Witherspoon fait partie des actrices que j’adore. C’est parfaitement irrationnel, ne me demandez pas pourquoi. Peut-être parce que je l’avais découverte dans Freeway et que ce film m’avait fait mal aux dents, et parce que malgré des Revanche et autre Contre-attaque d’une blonde, elle retombe toujours sur ses pattes (voir son rôle de femme fatale abîmée dans Mud). Et puis elle a cette petite tête de hamster qui ne la rend pas vraiment magnifique mais qui me la fait imaginer drôle et vraiment sympa. Quoi qu’il en soit, c’est parce qu’elle joue dans The Good Lie que je me suis décidé à aller le voir en projection au 40e Festival de Deauville.

A priori, l’histoire vraie des orphelins du Soudan passée à la moulinette par la grosse machine hollywoodienne me donnait envie de passer mon tour. Et croyez-le ou non : j’aurais vraiment dû passer mon tour. Imaginez Hôtel Rwanda à la sauce Rasta Rockett, vous y serez à peu près. The Good Lie (« le bon mensonge », une expression qu’on trouve dans Les Aventures d’Huckleberry Finn de Mark Twain et qui est expliquée plusieurs fois dans le film, au cas où l’auditoire serait sur le banc de touche) profite du sensationnalisme de son sujet pour en faire une espèce de comédie dramatique malodorante et stupide qui aligne les clichés sur le bon sauvage (une expression jadis popularisée par Jean-Jacques Rousseau qui n’est pas expliquée dans The Good Lie). L’Africain découvre les saints Etats-Unis, avec ses étranges gâteaux en gelée, sa malbouffe bénie, ses téléphones et ses kits mains libres, son électricité, ses patinoires… De quoi montrer encore davantage les Etats-Unis comme un paradis où les orphelins soudanais vont enfin trouver le repos, même s’ils se heurtent à quelques injustices (une comédie dramatique ne le serait pas sans quelques opposants) : un patron inhumain, une administration en surplace, une ombre du passé qui surgit.

The Good Lie est dégoulinant de bons sentiments ; on se demande d’ailleurs s’il n’est pas financé par une ligue chrétienne quelconque. Ou par Benetton. J’ai vu il y a peu dans le métro une affiche pour le film Nos étoiles contraires qui avait poussé l’exercice de la platitude critique jusqu’à mettre en avant un tweet d’un(e) obscur(e) inconnu(e) (espérons qu’il/qu’elle le reste) disant ceci (en substance) :

« On rit et on pleure, c’est génial »

Voilà, ca y est, c’est la fin du journalisme et de l’exercice critique : rire et pleurer, une finalité. Si tu veux rire et pleurer, il suffit de demander à un ami de te chatouiller, puis de te mettre une beigne, pas la peine de perdre dix euros au cinéma. The Good Lie est pensé pour rire et pleurer. D’abord la situation dramatique (la guerre au Soudan – deux millions de morts – qui ne fait pourtant pas pleurer grand monde dans la vraie vie), puis l’alignement des clichés pour se détendre et rigoler, puis un drame humain (la perte d’un frère), tire-larmes parce que si possiblement proche de nous (rassurez-vous, ça va bien finir). Peu importe que tout ça soit approximatif, mal fait, que ça ne tienne que sur une pseudo-authenticité (les acteurs principaux sont de véritables réfugiés soudanais), The Good Lie semble parti pour drainer tout un public qui pense que « rire et pleurer » devant un film en fait un chef-d’œuvre (pauvre Fritz Lang).

Le plus triste, dans tout ça, c’est que le réalisateur, le Québécois Philippe Falardeau, est spécialisé en relations internationales et a déjà participé à un documentaire sur la situation au Soudan. Il a aussi débuté dans la réalisation avec l’émission Surprise sur prise. Pour The Good Lie, Falardeau s’est davantage inspiré de la caméra cachée que de la caméra témoin.

 
The Good Lie de Philippe Falardeau, avec Reese Witherspoon, Arnold Oceng, Femi Oguns, Ger Duany, Corey Stoll… Etats-Unis, 2013. Prix du jury du 40e Festival du film américain de Deauville.