Sea of Trees, de Gus Van Sant

 

Sea of Trees, de Gus Van SantQui ?
Depuis Prête à tout, présenté hors compétition en 1995, et même, rétrospectivement, depuis son premier film Mala Noche (réalisé en 1985, sortie en France en 2005 et présenté dans la foulée, en 2006, à la Quinzaine des réalisateurs), Gus Van Sant est un habitué de la Croisette. Il y a présenté une grande partie de ses films, pour en ressortir souvent auréolé de récompenses, comme ce fut le cas en 2003 avec Elephant, sa chronique inspirée du massacre de Columbine, qui remporta la Palme d’or.

Quoi ?
A 62 ans, Gus Van Sant voudrait-il précipiter son ascension cannoise et rejoindre le club des Double-Palmés ? Sea of Trees, aka La Forêt des songes en VF, semble en tout cas constituer un morceau de choix. Comme toujours, Van Sant mêle les sphères de l’intime et du politique, et si ce seizième long-métrage est bien une fiction, il s’inspire d’une histoire collective bien réelle : celle de ces centaines de Japonais qui ont volontairement mis fin à leurs jours dans la forêt d’Aokigahara, une “mer d’arbres” au pied du mont Fuji, lieu idéal, semble-t-il, pour se suicider en toute discrétion. Le héros de Sea of Trees s’appelle Arthur (Matthew McConaughey), et se rend justement là pour faire ses adieux au monde connu. Au moment de passer à l’acte, il tombe sur un homme blessé, Takumi (Ken Watanabe). Instinctivement, il va tenter de le sauver, réveillant en lui-même un sentiment d’humanité et d’espoir.
Un matériau fort, une nature bouleversante servie par la musique de Danny Elfman, deux acteurs à l’aura scintillante : Ken Watanabe et surtout Matthew McConaughey, jadis comédien bodybuildé pour midinettes, désormais artiste incontournable à la filmographie – post-renaissance – exceptionnelle. Sea of Trees promet au moins une intense digression sur l’errance.

Résultat des courses ?
Zut. On a connu Gus Van Sant très inspiré. Ses deux précédents longs-métrages (Restless en 2011 et Promised Land en 2013), sans pour autant être désagréables, l’ont révélé un peu feignant, recyclant ses idées sur l’amour, l’errance, le deuil et la quête de soi, sans plus d’originalité. On aurait souhaité mieux pour ce Sea of Trees, notamment grâce à la promesse d’un casting impeccable et d’une histoire fascinante. Malheureusement, les deux parties du film – imbriquées : le présent dans la forêt japonaise d’Aokigahara, le passé en flash-backs – sont chacune aussi pesantes. Dans cette forêt peuplée des âmes en peine qui y ont passé leurs derniers jours, tout invitait à l’onirisme. Et pourtant Gus Van Sant, bien loin du surréalisme de Last Days ou Elephant, a rarement aussi mal filmé un lieu, qu’il ôte de toute sa poésie et sa mélancolie. Images sans profondeur, forêt sous-exploitée malgré son nom de « mer d’arbres » mérité, seuls quelques cadavres rappellent qu’un mystère se trame. Quant à ce qui amène ici Arthur (impeccable Matthew McConaughey, qui sauve probablement le film) – les fameux flash-backs –, c’est le récit lourd et inconsistant d’un couple qui se déchire. Une histoire bavarde vue et revue, même dans son double dénouement, qui ferait hurler de rire si la décence n’imposait pas un silence poli. A l’horizon, une mer d’ennui.

 
Sea of Trees de Gus Van Sant, avec Ken Watanabe, Matthew McConaughey, Naomi Watts… Etats-Unis, 2015. Présenté en compétition au 68e Festival de Cannes. Sortie le 9 septembre 2015.

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