La Piel que habito, de Pedro Almodovar

 

La Piel que habito, de Pedro AlmodovarAlmodovar, lui aussi, fait le grand écart entre la frivolité de ses premiers opus et l’intime, les drames de ses dernières créations. Vite fait, bien fait, il nous balance son histoire alambiquée de transsexualité, de filiation incertaine et de thérapie cellulaire (adaptée librement du polar de Thierry Jonquet Mygale). Soit un chirurgien (Antonio Banderas) à l’éthique douteuse se vengeant de la perte de sa femme et du viol de sa fille en transformant en femme un jeune homme qu’il enlève. Elémentaire mon cher Frankenstein. A son histoire farfelue, Almodovar oppose un cadre très soigné, des gros plans hautement stylisés et des lignes extrêmement graphiques. Quelque part entre le film d’horreur exsangue, le thriller vengeur et la comédie de mœurs à la morale indéfinissable, La Piel que habito est la somme de toutes les névroses d’Almodovar. Le sexe en tête. Son obsession pour le con et la chair est intacte. Le roi de la Movida s’amuse avec ses références, s’autocite allégrement. En Chair et en os, Tout sur ma mère, Attache-moi… Ses personnages sont toujours aussi perturbés et pittoresques : Banderas en scientifique totalement vrillé, Elena Anaya en monstre sublime et Marisa Paredes, exceptionnelle, en mère au bord de la crise de nerfs. Une histoire tarabiscotée donc, dans laquelle les protagonistes utilisent la souffrance comme énergie renouvelable pour régler leurs comptes. La plus grande réussite du film est sans doute que Pedro Almodovar, totalement emporté, rend vraisemblable l’invraisemblable. Et le spectateur de sourire quand en fin de film, le jeune homme, devenu femme, résume en trois phrases l’expérience psychanalytique que l’on vient de traverser. C’est certain, la peau qu’habite Pedro est celle d’un homme, alors qu’il est une femme.

La Piel que habito de Pedro Almodovar, avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes. Espagne, 2011. En compétition au Festival de Cannes 2011.