Paulina, de Santiago Mitre

 

Paulina, de Santiago MitrePaulina est une femme de conviction. On le comprend dès la première séquence, où elle expose à son magistrat de père son projet d’abandonner sa brillante carrière d’avocate pour donner des cours d’instruction civique dans un quartier défavorisé. Une discussion à bâtons rompus afin de savoir où et à quelle place on est le plus utile, comment œuvrer de la meilleure manière pour la justice sociale. Têtue, déterminée, Paulina commence vite à donner des cours sur la démocratie avec pour effet boomerang le fait de voir la classe se vider en quelques secondes au nom de la liberté. Ce premier cours est en fait l’illustration du film à venir : un idéal, des principes moraux, confrontés à la réalité. Car Paulina, rentrant d’une soirée arrosée à moto, se fait agresser et violer. Femme forte, elle devient victime. Un statut qu’on lui impose et qu’elle rejette. Lors de sa déposition à la police, on lui demande plusieurs fois comment elle était habillée. “Pas de façon provocante, si c’est la question”, répond-elle froidement, montrant qu’elle n’a rien perdu de sa lucidité d’avocate. Pourtant, tout son entourage lui refuse le pouvoir de prendre une quelconque décision pour la suite : reprendre ses cours, retrouver ses agresseurs, retourner sur les lieux, garder l’enfant qu’elle porte. Tout est sujet à débat, à combat. Santiago Mitre, le réalisateur, filme la solitude de cette femme incomprise. Sa volonté – comprendre son agresseur sans passer par la justice que défend son père ou la vengeance que veut assouvir son petit ami – est effectivement parfois difficile à suivre. Mais le cinéaste ne la lâche pas d’une semelle, si ce n’est pour quelques flash-backs illustrant un autre point de vue (celui de son père, de son petit ami ou de son agresseur). La caméra reste fixée sur le regard fort de l’actrice, Dolores Fonzi, pendant encore quelques minutes au générique de fin, achevant ainsi le beau portrait d’une femme qui tombe et se relève seule, qu’on suit même si on ne la comprend pas. Celui d’une femme qui repense son rapport à la justice, à la vérité et à la violence à l’aune de son expérience, en ne choisissant aucune des facilités qui lui sont offertes.

 
Paulina de Santiago Mitre, avec Dolores Fonzi, Oscar Martinez, Cristian Salguero… Argentine, 2015. Grand Prix Nespresso et prix Fipresci de la Semaine de la critique 2015. Sortie le 13 avril 2016.