25 novembre 1970, le jour où Mishima choisit son destin, de Koji Wakamatsu

 

25 novembre 1970, le jour où Mishima choisit son destin, de Koji WakamatsuLe 25 novembre 1970, l’écrivain Yukio Mishima et quatre membres de sa milice personnelle, la Société du Bouclier, prennent de force le quartier général des Forces d’autodéfense japonaises. Après avoir rassemblé les soldats et tenté de renverser le régime pour restaurer le pouvoir de l’Empereur, Yukio Mishima se suicide par éventration, à la manière traditionnelle des samouraïs.

Koji Wakamatsu n’entend pas se faire le témoin de la carrière prolifique de Yukio Mishima. Tout le film est articulé autour de la date-clé du 25 novembre 1970 et des événements qui y ont immédiatement mené. L’exégèse de l’œuvre de Mishima, Paul Schrader s’y est déjà joliment attelé en 1985 avec Mishima : une vie en quatre chapitres, cherchant à travers ses ouvrages – souvent autobiographiques – les raisons de l’acte final. Si Koji Wakamatsu ne passe pas sous silence la philosophie de vie de Yukio Mishima, c’est avec pudeur et distance qu’il le fait, là où Schrader jouait du maniérisme et invoquait la tragédie grecque. Wakamatsu insiste davantage sur le mouvement contestataire de gauche grandissant depuis le début des années 1960 et l’assujettissement du Japon aux Etats-Unis pour expliquer le cheminement de l’écrivain.

Contrairement à ce qui a souvent été avancé, ce n’est pas à cause de l’échec de son coup d’Etat que Mishima a choisi de se suicider par seppuku ; dès le départ, convaincu que l’action importait davantage que le résultat et que seule la mort pouvait permettre « l’harmonie de la plume et du sabre », Mishima savait qu’il vivait le dernier jour de sa vie ce 25 novembre. Seule façon de mêler la beauté des mots à celle de l’action. De manière froide, presque chirurgicale, Wakamatsu filme la détermination de Yukio Mishima, ainsi que celle des gens qui l’entouraient : d’abord sa femme, qu’on devine conseillère agissant dans l’ombre, consciente de la volonté de son mari. Ensuite, ses disciples, qui ont juré à l’écrivain et à l’Empereur fidélité – jusqu’à la mort.

25 novembre 1970, le jour où Mishima a choisi son destin de Koji WakamatsuOn ne retrouve pas dans 25 novembre 1970, le jour où Mishima choisit son destin la passion et la violence des anciennes œuvres du cinéaste (L’Extase des anges, Les Anges violés), mais on y devine toujours la même volonté de transmission. 25 novembre 1970… clôt une trilogie entamée avec United Red Army, ou la grotesque histoire des guerres intestines de l’armée rouge japonaise au début des années 1970. Qu’il raconte l’extrême gauche ou l’extrême droite, Koji Wakamatsu avance sans fard, alertant le spectateur autant sur la difficulté de la révolte que sur la dangerosité de l’immobilisme. Si 25 novembre 1970… apparaît comme le testament d’un écrivain controversé, il est aussi celui du cinéaste de la révolte, disparu il y a un peu plus d’un an et riche d’une filmographie exceptionnelle.

» Lire aussi le portrait de Koji Wakamatsu

25 novembre 1970, le jour où Mishima choisit son destin de Koji Wakamatsu, avec Arata Iura, Shinnosuke Mitsushima, Shinobu Terajima, Soran Tamoto… Japon, 2011. Présenté en sélection Un Certain Regard au 65e Festival de Cannes. Sortie le 27 novembre 2013.