- Comment tu t’appelles ?
- Idrissa, monsieur.
- Quo vadis, Idrissa ?
- Hein ?
- Où vas-tu, Idrissa ?
Ce type d’humour impérissable et doucement vieillot parsème Le Havre. Les répliques de Marcel (André Wilms), personnage riche déjà présent dans l’œuvre du cinéaste (il campait le même Marcel dans La Vie de bohème, à l’époque de son “succès artistique”), sont hors du temps, comme ce film qui oscille entre diverses époques. Années 1950 ? 1970 ? 2010 ? Qu’importe : dès que les lumières s’éteignent, le spectateur est plongé dans un univers impalpable où la tragédie côtoie la joie de vivre. Où l’amour est plus fort que tout. Thème récurrent dans le cinéma d’Aki Kaurismaki : l’amour, même chez les plus démunis, constitue un moteur capable de mobiliser les hommes autour d’une cause et de déplacer des montagnes. On pense à l’optimisme d’Au loin s’en vont les nuages, où tous les malheurs conditionnent la joie finale – celle du spectateur surtout, mis dans un état de grâce par ces grandioses instants de vie. C’est cela, Le Havre : un manifeste de solidarité, une histoire dramatique parce que parfaitement réelle, mais incarnée par des acteurs talentueux et un metteur en scène capable de rendre chatoyants la rue la plus sale, le bouge le plus infâme.
Ce n’est pas un hasard si le film se passe au Havre. Lieu idéal pour parler de l’immigration et du centre de Sangatte, fermé sans plus de solutions par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy en 2002, de la pauvreté croissante du prolétariat. « Les grandes choses exigent que l’on s’en taise, ou qu’on en parle avec grandeur : avec grandeur, c’est-à-dire avec cynisme et innocence. » La formule de Nietzsche, Kaurismaki la fait sienne. Le Havre aurait pu être une satire politique lourdingue à la traîne (sur le sujet, Welcome de Philippe Lioret réveillait déjà les consciences en 2009), ce n’est au contraire jamais naïf, jamais complaisant. Aussi parce que l’histoire d’amour entre le cinéaste et la France ne date pas d’hier, et qu’elle transpire à l’écran. Le choix des comédiens n’y est pas pour rien : André Wilms est exceptionnel d’humour distancié et de charisme, Jean-Pierre Darroussin en flic gentil malgré lui est parfait. Même les rôle secondaires sont remarquables, Pierre Etaix en tête. Quant à l’apparition de Jean-Pierre Léaud, elle est une dernière touche d’humour et d’ironie sensible du cinéaste : souvent comparé aux personnages de Léaud, Kaurismaki fait ici de son alter ego cinématographique un vil personnage. Haïssable voisin sans nom, voyeur caché derrière sa fenêtre, comme il existe d’ailleurs aussi dans Welcome et dans de grands faits historiques. Et c’est encore pour faire acte de résistance que l’utilise Aki Kaurismaki.
Le Havre, d’Aki Kaurismaki, avec André Wilms, Kati Outinen, Jean-Pierre Darroussin, Pierre Etaix, Jean-Pierre Léaud… Finlande, France, 2011. Sortie le 21 décembre 2011. En compétition au Festival de Cannes 2011.
- Comment tu t’appelles ?
- Idrissa, monsieur.
- Quo vadis, Idrissa ?
- Hein ?
- Où vas-tu, Idrissa ?
Bon, en fait, je me rends compte qu’à l’écrit et hors contexte, elle marche pas du tout, cette blague…
Depuis le 20 décembre, je cherche, je l’ai toujours pas comprite.
Ah ben moi, à chaque fois que je la relis, je suis mort de rire… Mais c’est peut-être parce que j’ai vu le film.
J’pourrais bien tenter de l’expliquer, mais ça risquerait d’être encore moins drôle.
La réplique qui m’a fait pleurer de rire : “Je suis l’albinos de la famille.” Enorme !