Jeune femme, de Léonor Serraille

 

Femme au bord de la crise de nerfs

Jeune Femme, de Léonor SerrailleVoilà un premier film qui colle à la peau de sa comédienne principale. La jeune femme qui donne son titre au long-métrage de Léonor Serraille. Drôlement fagotée dans un manteau couleur brique, à poil sur le lit d’un hôtel miteux, moulée dans un uniforme cheap d’une marque de sous-vêtements de centre commercial : Lætitia Dosch (La Bataille de Solférino) est de tous les plans, passe par tous les états et déroule ici une partition juste et émouvante. Elle est Paula, la rouquine aux yeux vairons, la paumée, la larguée, la chiante à tendance hystérique qui baratine un peu, beaucoup, passionnément. Il y eut Sue perdue dans Manhattan, il y a Paula perdue dans Paris. Une ville qu’elle n’aime pas. Une jungle. Mais ici ou ailleurs, faut bien faire son trou, dit-elle. Alors elle cherche chez qui elle pourrait poser ses bagages, même pour quelques jours. Elle se demande quel petit boulot elle pourrait faire, elle dont le CV tient sur un timbre-poste. Elle vend ses bijoux chez Cash Converter. Accepte une chambre de bonne en échange de babysitting, s’amourache d’un vigile, et trimballe le chat de son ex dans un carton. Elle fait quelques rencontres. Laisse derrière elle quelques amis qui n’en étaient peut-être pas vraiment. Elle avance, elle avance, elle avance. C’est une évidence. Dis comme ça on pourrait croire à un drame façon frères Dardenne, mais la chose est plus légère, énergique, sincère et brute. Derrière ce portrait d’une jeune femme à l’esprit fantasque, aussi libre que seule, qui fait ce qu’elle peut avec ce qu’elle a, se dessine celui d’une société précaire, d’une époque en faillite et d’une jeunesse sur un fil. #StartupNation, comme dirait l’autre.

 
Jeune femme de Léonor Serraille, avec Lætitia Dosch, Souleymane Seye Ndiaye, Grégoire Monsaingeon… France, 2017. Présenté en sélection Un Certain Regard au 70e Festival de Cannes.