Le panier garni de l’été 2017

 

Ce panier garni estival est si fantastique et si horrifique qu’il vous collera les miquettes jusqu’à l’automne prochain. Vous pourrez y apprécier deux merveilles de Jack Arnold, un coffret « Robots » des plus étonnants, un bébé vampire aux jolies quenottes, la première série télé française, trois films du grand maître du Bis Seijun Suzuki et Paul Newman en bûcheron, en pilote automobile et en capitaine de hockey. Rien que ça !

Jack Arnold, géant de la peur

L'Homme qui rétrécit, de Jack ArnoldJack Arnold est un cinéaste touche-à-tout mais un touche-à-tout de talent, reconnu pour avoir livré dans les années 1950 deux grands classiques du cinéma fantastique, L’Etrange Créature du lac noir et L’Homme qui rétrécit d’après le roman de Richard Matheson. Le milieu loue encore aujourd’hui son savoir-faire et sa débrouillardise pour créer des effets spéciaux hallucinants avec en poche deux francs six sous. Mais la patte Jack Arnold, ce n’est pas que des trouvailles techniques, c’est un style. Un style réaliste, sans effets de manche, sans grosse ficelle, qui donne à ses films fantastiques un goût du quotidien des plus trompeurs où le spectateur se laisse facilement berner avant de se rendre compte qu’il navigue à vue dans d’étranges mondes. Jean-Pierre Dionnet explique très justement dans les bonus que cette absence d’artifice le démarque des autres réalisateurs plus enclins à faire dans le tape-à-l’œil. Quoi de mieux que profiter de Tarantula ! et L’Homme qui rétrécit pour comprendre ce qu’est un Grand Faiseur.

Tarantula ! réalisé par Jack Arnold avec John Agar, Mara Corday, Leo G. Carroll…
Après avoir reçu accidentellement une injection de sérum nutritif, une tarentule se met à grossir jusqu’à atteindre des proportions monumentales…
Arachnophobes, abstenez-vous ! Cette tarentule est hénaurme et poilue ! Tarantula !, comme beaucoup des films fantastiques de l’époque, joue à la fois sur les peurs primales et sur les inquiétudes de la société civile quant à la progression effrénée de la recherche scientifique en matière de manipulation génétique (voir Godzilla au Japon). Dans sa première partie, le film lorgne davantage sur le thriller psychologique avant de tomber dans une impressionnante seconde partie dans le genre catastrophe pur et dur où l’araignée géante aussi haute qu’un building met en péril l’avenir de l’humanité. C’est drôle et flippant. Dans les 5 dernières minutes, on remarque la présence de Clint Eastwood en aviateur lanceur de napalm.

L’Homme qui rétrécit réalisé par Jack Arnold avec Grant Williams, Randy Stuart…
Quelques mois après avoir été enveloppé par un brouillard radioactif, Scott Carey se met à rétrécir, chaque jour un peu plus…
L’Homme qui rétrécit compte parmi les chefs-d’œuvre du septième art. Richard Matheson accepte qu’on adapte son roman à la seule et unique condition qu’il le scénarise. Non mais ! Et Jack Arnold peut remercier Matheson de lui avoir livré, non seulement une histoire géniale, mais un scénario cuisiné aux petits oignons. Dès les premières secondes où le héros raconte sa vie en voix off, on sait que l’on se tient devant une merveille. L’intrigue est immédiatement haletante et pleine d’esprit. Scott Carey se met à rétrécir, soit, mais chaque centimètre de perdu, c’est un bout de sa vie qui s’en va, à jamais. Jack Arnold ne fait jamais dans le sensationnalisme et encore moins dans le ridicule quand il nous montre l’inexorable descente aux enfers du personnage principal qui passe de l’infiniment grand à l’infiniment petit. Nous l’abandonnons, jusqu’à ne plus le voir… Voilà LE film fantastique profond et bouleversant dont bon nombre de cinéastes m’as-tu-vu devraient s’inspirer.
Edition ultime blu-ray + DVD édité chez Elephantfilms

Coffret La Guerre des robots

Tobor le grandLe coffret La Guerre des robots offre la possibilité d’appréhender l’histoire du robot dans le cinéma à travers quatre approches différentes.

Le Maître du monde, Tobor le grand
Un jeune garçon aide son grand-père, génial inventeur d’un robot destiné à la conquête spatiale, et convoité par des espions étrangers.
Dans Le Maître du monde, Tobor le grand, on s’embarque dans une aventure spatiale sur fond d’intrigue politique et d’espionnage. Le film reste ultra-culte chez les bisseux pour l’incroyable look du robot (Tobor en verlan !) et un classique de la science-fiction pour les cinéphages qui voient en Tobor le génial divertissement familial réalisé avec le cœur et avec les tripes. Le Maître du monde n’est pas qu’une fabrique de bons sentiments, loin de là. Comme dans toutes les œuvres où les enfants sont rois, il règne une dureté et une cruauté que seuls les adultes savent fomenter. C’est le genre de petit film généreux qu’on aime à se rappeler.

Creation of Humanoids
Dans un monde post-apocalyptique, des robots aident la race humaine mourante en leur donnant des corps androïdes.
Si vous êtes dingo des films de SF intellos et bavards, alors vous serez servi au centuple car Creation of Humanoids contient des séquences interminables de réflexions philosophiques sur les rapports entre l’homme et la machine et le devenir de l’intelligence artificielle. Euh, c’est aussi saugrenu que génial ! C’est un film fauché, sans charme apparent, mais qui se prend tellement au sérieux qu’il en devient captivant. Ici, les robots destinés à devenir des soutiens aux humains, exactement comme les androïdes de la saga Alien, semblent tous avoir été assemblés avec un balai dans le cul ! Et c’est formidable !

Objectif Terre
Des robots vénusiens envahissent Chicago. Au milieu d’eux, Frank et Nora deviennent des étrangers, et tentent de survivre.
Les haletantes vingt premières minutes sont une réussite. L’humanité est décimée, et nous accompagnons l’héroïne Nora dans les rues désertes de Chicago. Le début d’Objectif Terre, flippant à souhait, n’a rien à envier aux classiques Je suis une légende ou Le Monde, la chair, le diable. Au moment où l’histoire raconte l’invasion de la planète par les robots, les choses se gâtent. On sent que le réalisateur pèche par manque de moyens et par manque d’idées. Les dialogues creux et les séquences culcul la praline finissent par gâcher l’ensemble. Mince, c’est ballot !

Cyborg 2087
Sur Terre, dans un futur proche, les hommes envoient un cyborg dans les années 1960 pour modifier le cours de l’histoire.
Je ne sais pas si Cyborg 2087 inspira James Cameron pour Terminator mais il serait difficile de douter du contraire. A moins d’être menacé d’un procès… En tout cas, le film déroule une intrigue quasi similaire mais un poil moins « sauvage » (la brutalité de Schwarzy est hors-concours). En effet, le gros défaut de Cyborg 2087 réside dans son manque de tension. Il ne nous met pas sur les nerfs, on ne se sent pas en danger. Toutefois, il n’y a rien dans le film qui soit sujet à moquerie. Cyborg 2087 est une réelle curiosité.
Edité en coffret DVD chez Artus films

Un vampire

Bébé vampire, de John HayesBébé vampire réalisé par John Hayes avec Michael Pataki, William Smith…
Venus s’encanailler dans un cimetière, de nuit, Leslie et Paul se font attaquer par un vampire tout juste sorti de sa tombe. Paul est tué alors que Leslie se fait violer par le monstre. Peu après, elle se retrouve enceinte et, quelques mois plus tard, accouche de son enfant. Un enfant pour le moins étrange, qui semble attiré par le sang…
Ah, le voilà enfin ce maudit enfant ! Merci Artus. Sorti sur les écrans en 1977 (mais réalisé 5 ans plus tôt), Bébé vampire ne dépareille pas au sein des films d’exploitation de l’époque. Dans une première partie qui tend davantage vers le gothique, on reconnaît les codes et les artifices qui font tout le sel du genre. Toutefois, plus le film avance, plus il perd de son charme suranné, notamment quand, 30 ans plus tard, le fils vampire (qui n’est plus un bébé) décide de traquer son violeur de père. Bébé vampire n’est pas un chef-d’œuvre mais qu’est-ce que ça sent bon le cinéma vintage.
Disponible en DVD chez Artus

Série télé

L'Agence NostradamusAgence Nostradamus
1950. Voici le premier feuilleton de la télévision française. Neuf épisodes d’une dizaine de minutes chacun mettent en scène deux détectives qui cherchent à comprendre les agissements douteux au sein d’une agence matrimoniale.
Eh bien, croyez-moi chers amis que cette série enlevée, bourrée d’humour et de charme, se boit comme du petit-lait. On apprécie les dialogues fleuris, les accents de l’époque appuyés à la titi parisien et les décors qu’on se croirait revenu de chez papi et mamie. C’est l’agence Vaudor qui mène l’enquête, et croyez-moi que chez Vaudor, on envoie du bois de cagette ! L’histoire matinée d’astrologie et d’ésotérisme à papa ne manque pas de piquant. Ce voyage télévisuel dans le passé est une vraie bouffée d’air frais que nous vous recommandons chaudement.
Edité en DVD chez Elephantfilms

Cycle Seijun Suzuki

La Barrière de la chair, de Seijun SuzukiIl y a fort peu de temps que Seijun Suzuki, mort en février 2017, a décroché ses galons de cinéaste culte. Il fut pendant des décennies un faiseur de série B cantonné aux salles de quartier. Aujourd’hui, on n’hésite plus à l’associer aux grands de la Nouvelle Vague japonaise. Seijun Suzuki, c’est d’abord un style tout à fait reconnaissable (pensez à Jacques Demy et à Quentin Tarantino) avec ces couleurs percutantes, ces virées dans les quartiers populaires à la démographie oppressante, ces discours féministes, ces critiques acerbes de la société… Petit tour d’horizon.

La Barrière de la chair
L’histoire de cinq prostituées et d’un homme poursuivis par la police dans les ruines du Japon de l’après-guerre où le marché noir est roi.
Par son érotisme volontairement exacerbé, entre amour et punition, La Barrière de la chair symbolise les excès de la société japonaise durant l’immédiat après-guerre. Suzuki raconte également les relations tendancieuses qu’entretenaient à l’époque l’occupant américain avec la pègre. Nous vivons la résurrection dans la douleur d’une nation exsangue. Le Japon décompresse ! Une œuvre violente et organique.

Histoire d’une prostituée
Envoyée sur le front de Mandchourie, où se bat l’armée impériale, une jeune prostituée japonaise se retrouve déchirée entre un officier sadique tombé sous son charme et un jeune soldat idéaliste.
Film pacifiste par excellence, Suzuki dénonce adroitement le conflit sino-japonais à travers le regard d’une prostituée sans jamais aller sur le théâtre des opérations. La jeune femme désacralise tout patriotisme, nous prenant comme les témoins de la folie des soldats de l’armée impériale. Histoire d’une prostituée est une œuvre ambitieuse mais dérangeante car il nous est difficile de rentrer en empathie avec les personnages. Un film choc qui bouscule.

Le Vagabond de Tokyo
Tetsu, yakuza et favori de Kurata, le chef de son clan, décide de se ranger. Kurata lui offre un travail régulier. Mais cette faveur leur vaudra les critiques d’Otsuka, un autre chef de clan. Ainsi Tetsu est condamné à quitter Tōkyō, et devenir une sorte de yakuza errant, un vagabond, pour préserver l’honneur de Kurata. Mais ce dernier le trahira, et Tetsu devra déjouer de nombreux pièges mortels. Finalement, il n’aura d’autre choix que d’affronter son ancien patron.
Un scénario basique, certes, mais des ambitions formelles démentes. Le Vagabond de Tokyo est l’objet filmique vénéré par les fans du Maître où chaque plan semble rendre hommage à un style cinématographique. On ne sait plus trop où donner des yeux tant on est rassasié d’images. Cette histoire de yakuza ne casse pas des briques mais Dieu que c’est beau !
Disponible en DVD et blu-ray chez Elephantfilms

Cycle Paul Newman

La Castagne, de Paul NewmanLe Clan des irréductibles, Virages et La Castagne n’ont pas pour seul point commun la star Paul Newman. Chacun à leur manière développent une représentation des rapports de force entre individus et entre communautés. Pour le reste, cette sélection montre à quel point Paul Newman était un acteur unique, un caméléon, sachant par sa seule présence incarner un chef de famille, un héros malheureux ou un obsessionnel dangereux.

Le Clan des irréductibles
Une famille de bûcherons de l’Oregon, sous l’impulsion de son chef Henry Stamper, entre en conflit avec la population locale en refusant de s’associer à la grève générale de la profession. La tension est à son comble lorsque revient à la maison le fils cadet de la famille, qui fait remonter à la surface de pénibles souvenirs familiaux.
Le Clan des irréductibles (réalisé par Paul Newman) raconte deux choses. La première est le conflit qui oppose un clan aux idéaux conservateurs à son syndicat réformateur, et la seconde, la remontée à la surface des vieilles rancœurs familiales. Si le film fait la part belle aux échanges houleux, il n’oublie jamais en cours de route l’idée fondamentale que la famille Stamper restera soudée coûte que coûte et ne rendra jamais les armes. Les décors bucoliques sont si beaux qu’ils rendent les prises de bec encore plus violentes. Un film tout en contrastes.

Virages
Pilote de course automobile, Frank Capua épouse une femme qu’il délaisse au profit de son obsession pour la compétition ; elle le trompe avec l’un de ses rivaux.
Avec Virages, Paul Newman mêle travail et plaisir s’offrant sur un plateau le rôle du pilote qui, obsédé par la victoire, sacrifie toute vie personnelle au profit d’une bonne place sur un podium. Le film réserve de superbes séquences sur les circuits même si, il faut bien l’admettre, il est un cran au-dessous de Grand Prix de John Frankenheimer. Virages semble nous rappeler que le sport de haut niveau génère de l’adrénaline mais également de la solitude. Rien de très original, mais comme toujours avec Paul Newman, on admire l’amour du travail bien fait !

La Castagne
Le film raconte les déboires d’une médiocre équipe de hockey des ligues mineures, les Chiefs de Charlestown, et de son joueur-entraîneur vieillissant, Reggie Dunlop.
A sa sortie, La Castagne est décrié pour sa vulgarité mais il devient immédiatement culte. Pourquoi ? Parce qu’il est ébouriffant et d’une violence telle qu’il demeure encore aujourd’hui comme l’une des œuvres les plus cathartiques jamais tournées. Le réalisateur George Roy Hill (L’Arnaque, Butch Cassidy et le Kid…) adapte le scénario de la très jeune Nancy Dowd, qui réussira le tour de force de proposer l’une des plus belles analyses de la société populaire américaine des années 1970.
Nous vous le recommandons chaudement !

Tous les films sont disponibles en DVD et en Blu-ray chez Elephantfilms