Frankenweenie, de Tim Burton

 

Frankenweenie de Tim BurtonIl était une fois un réalisateur qui s’appelait Tim Burton. Un réalisateur si doué de ses crayons, de son imagination et de sa caméra, qu’on lui doit une foison de chefs-d’œuvre qui ont marqué des millions de spectateurs à travers le monde, énamourés de ses personnages esseulés, mélancoliques et pourtant si sympathiques, évoluant dans des univers tourmentés et gothiques. Des cauchemars fantastiques, des rêves éveillés qui s’appellent Beetlejuice, Edward aux mains d’argent, Mars Attacks, Batman, Ed Wood ou encore Sleepy Hollow. Parfois, les marionnettes issues de sa chevelure hirsute s’animent (que ce soit devant son objectif ou celui d’autres réalisateurs), deviennent les héroïnes intemporelles de films cultes tels que L’Etrange Noël de Monsieur Jack ou Les Noces funèbres.

Mais un jour, comme si on lui avait jeté un mauvais sort à coups de dollars, le génie côtoya l’ennui et l’ennui, la décalcomanie. L’univers était toujours là, reconnaissable entre mille, mais il avait comme un arrière-goût frelaté. Certes, on y trouvait toujours décors sombres et personnages idoines, inscrits dans le marbre de la pierre tombale de l’édifice cinématographique de Tim Burton. Mais le commercial faisait place peu à peu à la créativité pure, donnant des films en dents de scie, des Big Fish, des Planète des singes, des Charlie et la chocolaterie, des Sweeney Todd, des Dark Shadows ou pire, des Alice au pays des merveilles (au titre trompeur : ici, point d’Alice, mais Jeanne d’Arc et surtout aucune merveille). Le réalisateur semblait alors un peu perdu. Il attirait encore et toujours le chaland dans les salles obscures sur son seul nom et quelques images qui valaient le détour.

Et tout à coup, le miracle, le sursaut, prenant la forme d’un chien tout couturé, perclus de cicatrices et qui doit sentir la décomposition à plein nez. Feu Frankenweenie, en pleine résurrection. Court-métrage de jeunesse voué aux gémonies par Disney, qui finalement en vient à distribuer sa version longue près de trente ans plus tard, reconnaissant son erreur et le génie de son ancien illustrateur. Sparky, le chien sans vie qui ressuscite devient un avatar du réalisateur. Tim Burton s’était enterré lui-même sous des projets où il répétait inlassablement son style et ses thèmes récurrents, mais sans plus y mettre la moindre émotion. Il reprend goût à la vie grâce à ce projet remisé dans un placard, en version animée, noire et blanche et dans une magnifique 3D (pour une fois utile à quelque chose). Références à ses goûts si particuliers en pagaille, éléments autobiographiques (la cruauté des enfants envers le héros, Victor, qui s’isole volontairement des autres), humour noir garanti et inventivité en ébullition, tels sont les ingrédients du dernier film de Tim Burton qui peut rejoindre sans aucune honte les premiers chefs-d’œuvre de sa carrière. Le voici revenu d’entre les morts et on attend avec une vive impatience, les prochains chapitres qui vont jalonner sa nouvelle (ancienne) carrière.

Frankenweenie de Tim Burton, avec les voix de Charlie Tahan, Martin Short, Winona Ryder, Catherine O’Hara… Etats-Unis, 2012. Sortie le 31 octobre 2012.