Douleur et gloire, de Pedro Almodóvar

 

La fleur de ses secrets

Douleur et gloire, de Pedro AlmodovarUn cinéaste vieillissant, en tout cas souffrant – du dos, de la tête, de l’œsophage, et de la perte de sa mère. Almodóvar, habitué des portraits de femme, fait ici celui d’un homme, le sien. Il prête à Antonio Banderas sa coiffure, ses vêtements, le décor de son appartement. Il prête à son personnage presque son nom (Salvador Mallo), sa carrière, ses douleurs (lui aussi a été opéré du dos), son deuil. Almodóvar refuse de détricoter le vrai du faux, mais peu importent les faits quand les émotions sont aussi réelles et palpables.

Douleur et gloire s’articule autour de trois scènes clés, trois manières de revenir sur sa vie. La première est un monologue, qu’un acteur avec lequel Salvador vient de se réconcilier dit sur scène. Un texte très personnel qu’il a trouvé dans l’ordinateur du réalisateur empêché de travailler, qui n’avait pas vocation à être lu, encore moins joué. Un témoignage de la Movida, un retour sur son grand amour de ces années-là, sincère et touchant. La deuxième est celle des retrouvailles avec cet homme, d’une pudeur bouleversante. Si Almodóvar a beaucoup filmé les femmes c’est qu’il trouve leur manière d’exprimer leurs émotions plus dramatique, au sens théâtral du terme. Mais en filmant ces deux hommes, leur émotion retenue et leur désir contenu, leurs regards et leurs gestes, il est aussi à son meilleur. La troisième est la réminiscence de sa mère à la fin de sa vie. Ses reproches à elle, ses regrets à lui.

Douleur et gloire, de Pedro AlmodovarDouleur et gloire est aussi un film sur la solitude et le sentiment d’impuissance. Face à la maladie, la vieillesse, l’addiction. Les siennes, celles des autres. Tout cela semble d’une tristesse infinie. Et pourtant, ça ne l’est pas. Tout à sa sobriété, Pedro Almodóvar n’oublie pas ses années flamboyantes, les couleurs vives, l’humour du désespoir. Surtout, entre ces scènes clés, Salvador qui se met doucement à l’héroïne pour oublier ses douleurs, se prend à rêver de son enfance. Ce qui donne les séquences les plus lumineuses du film. Une enfance dans une maison troglodyte aux murs éclatants de chaux, sa mère, alors incarnée par Penélope Cruz, aussi vive qu’elle l’était dans Volver, et un jeune ouvrier, objet du « premier désir ». Et source du dernier espoir.
 
Douleur et gloire de Pedro Almodóvar, avec Antonio Banderas, Asier Etxeandia, Penélope Cruz, Leonardo Sbaraglia. Espagne, 2019. En compétition du 72e Festival de Cannes. Sortie le 17 mai 2019.