Démolition, de Jean-Marc Vallée

 

Démolition, de Jean-Marc ValléeTout détruire pour mieux se reconstruire. Tel pourrait être le résumé de Démolition et du chemin que traverse Davis pour aller à la rencontre de ses émotions. Et dire que tout part d’un sachet de M&M’s coincé dans un distributeur ! Mais aussi, accessoirement, que ledit distributeur est situé dans l’hôpital où Davis vient de perdre sa femme à la suite d’un accident de voiture. Au lieu de pleurer, au lieu de sombrer dans la dépression, Davis préfère se rendre au travail comme si de rien n’était, ne change rien à son mode de vie (sauf le message de son répondeur mentionnant que son épouse ne pourra plus répondre) et inquiète ses proches. Mais pourquoi diable se réfugie-t-il ainsi dans une telle insensibilité apparente ? A-t-il seulement déjà été sensible ? Oui, si l’on en croit les courriers qu’il envoie à la compagnie du distributeur de friandises défectueux. Oui, aussi, quand on assiste à l’amitié naissante entre cet homme (é)perdu et la responsable des courriers de réclamation de la compagnie en question.

Jean-Marc Vallée poursuit son œuvre sur les âmes délaissées et incomprises. Après l’homosexualité dans CRAZY, le sida dans Dallas Buyers Club, la disparition volontaire dans Wild, voici l’insensibilité qui ne demande qu’à se craqueler et exploser. A coups de marteau et de burin sur les meubles, de bulldozer pour raser sa maison, de tournevis pour tout démonter, de larmes invisibles pour se décharger. Davis expérimente tout ceci. Mais c’est au contact de cette mère célibataire friande de joints et de son ado de fils croisé entre DiCaprio (jeune) et Bowie (version punk), qu’il va accéder à la rédemption, à la douleur qui éclot enfin, aux souvenirs qui ressurgissent, au désir de vivre envers et contre lui-même.

A chacun de ses derniers films, on dit de Jake Gyllenhaal qu’il a livré le meilleur de lui-même. Que ce soit en flic placide (Prisoners), en reporter du dimanche sans état d’âme (Night Call) ou en boxeur qui a tout perdu (La Rage au ventre). Ici, tout passe par ses yeux qu’il ouvre bien grands comme un enfant qui découvre le monde qui l’entoure, par sa bouche tombante, par des frémissements. Et tout d’un coup, l’explosion : les cris, la danse dans la rue au milieu des passants, la sincérité exacerbée, les bretelles qui remplacent ceinture et cravate. Une prestation saisissante, minutieuse, fascinante, renforcée par le jeu sans fausse note de la trop rare Naomi Watts et de la découverte du jeune Judah Lewis. Démolition, c’est un tourbillon d’émotions, du rire aux larmes. La renaissance d’un être qui avait perdu le sens des mots. Le cœur lézardé, mais vivant. Enfin.

 
Démolition de Jean-Marc Vallée, avec Jake Gyllenhaal, Naomi Watts, Judah Lewis, Chris Cooper… Canada, Usa, 2015. Sortie le 6 avril 2016.