Sélection de la 49e Quinzaine des réalisateurs

 

Edouard, président !

quinzaine_afficheL’an dernier, Edouard Waintrop, Délégué général, a pris un malin plaisir à nous faire pleurer à chaudes larmes, disons pendant les deux tiers de la Quinzaine (et la totalité de Ma vie de Courgette). Pour cette 49e édition, et la sixième sous la houlette de notre cher Edouard, l’affiche nous laisse espérer un peu moins de Kleenex : l’immensité du ciel, et ces lettres qui se découpent : « Sogno ». Le rêve. Or, comme on a pu l’entendre dans cette campagne — avant que cela ne vire au cauchemar —, « lorsqu’on rêve tout seul, ce n’est qu’un rêve alors que lorsqu’on rêve à plusieurs c’est déjà une réalité. » « L’utopie partagée », programme de cette Quinzaine 2017 ? A voir…

En tout cas, la première ligne directrice semble être celle de sortir des sentiers battus. Rien qu’en ouverture, Claire Denis — accompagnée d’un casting impressionnant allant de Gérard Depardieu à Juliette Binoche en passant par Valeria Bruni-Tedeschi et Josiane Balasko — change radicalement de ton puisqu’elle signe une comédie (Un beau soleil intérieur). Oui, oui. Claire Denis. Une comédie. Enfin, une comédie avec Christine Angot en coscénariste. Forcément, on commence à douter un peu de la franche rigolade de cette adaptation des Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes. Quant à Bruno Dumont, il revient à la Quinzaine – après Mon P’tit Quinquin – avec une comédie musicale électro-pop… sur l’enfance de Jeanne d’Arc (Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc). Abel Ferrara laisse tomber les polars et les mafieux pour verser dans l’autoportrait, là aussi musical, avec un retour sur sa tournée française (Alive in France). Et Sharunas Bartas (auteur de Peace to Us in Our Dreams, présenté en 2015) semble abandonner l’introspection pour s’intéresser au monde qui l’entoure : la guerre en Ukraine, auprès d’humanitaires et de journalistes (et de Vanessa Paradis dans un second rôle) avec Frost.

Le monde qui nous entoure, voilà, c’est bien de cela qu’Edouard Waintrop a décidé de nous parler, en ces temps troublés. Pendant cette Quinzaine cannoise, nous verrons l’Amérique de Trump, celle au bord de la guerre civile (Bushwick, de Cary Murnion et Jonathan Milott, par le scénariste attitré de notre pote Jim Mickle), celle des déclassés laissés sur le bord de la route, si près du rêve américain (The Florida Project, de Sean Baker, sur les à-côtés de DisneyWorld ; Patty Cake$, de Geremy Jasper, sur une improbable rappeuse du New Jersey), mais aussi l’Amérique rurale du Dakota avec le deuxième film de Chloe Zhao, The Rider, qui poursuit dans la veine des Chansons que mes frères m’ont apprises. Amos Gitaï ne désarme pas et, à l’occasion du proche cinquantième anniversaire de la Guerre des Six-Jours, a planté sa caméra côté West of the Jordan River pour un documentaire sur les relations, peut-être pas si désespérantes, entre Israéliens et Palestiniens aujourd’hui. Côté européen, en séance spéciale, le Portugais Pedro Pinho prendra le relais de Miguel Gomes et de ses merveilleuses Mille et une nuits avec A fabrica de nada, un film sur des ouvriers qui occupent leur usine pour éviter la délocalisation. L’Italie, bien représentée, parlera bien évidement de la Camorra, mais du côté des femmes avec L’Intrusa, de Leonardo Di Constanzo, et de religion avec une histoire d’amour compliquée pour deux Cuori Puri (« coeurs purs »), de Roberto De Paolis.

BushwickEnfin, comme il s’agit de parler du monde et de ne pas simplement se regarder le nombril occidental, nous voyagerons aussi en Zambie pour un procès en sorcellerie (I am not a Witch, de Rungano Nyoni), en Indonésie pour un women revenge movie qui s’annonce des plus jouissifs (Marlina, the Murderer in Four Acts, de Mouly Surya), en Colombie, auprès de joueurs d’échecs et de poker et d’un horloger, réfléchissant aux occasions ratées de leurs vies (La Defensa del dragon, de Natalia Santa), ou encore en Afghanistan, dans les pas d’un cinéaste aux 100 films malgré un pays dévasté par la guerre (Nothingwood, de Sonia Kronlund). Peut-être est-ce ce dernier film qui résume le mieux cette sélection : le rêve du cinéma, malgré tout.

La sélection

A ciambra, de Jonas Carpignano
A fabrica de nada, de Pedro Pinho
Alive in France, de Abel Ferrara
L’Amant d’un jour, de Philippe Garrel
Bushwick, de Cary Murnion et Jonathan Milott
Cuori Puri, de Roberto De Paolis
The Florida Project, de Sean Baker
Frost, de Sharunas Bartas
I am not a Witch, de Rungano Nyoni
Jeannette l’enfance de Jeanne d’Arc, de Bruno Dumont
L’Intrusa, de Leonardo Di Costanzo
La Defensa del dragon, de Natalia Santa
Marlina, the murderer in four acts, de Mouly Surya
Mobile Homes, de Vladimir de Fontenay
Nothingwood, de Sonia Kronlund
Otez-moi d’un doute, de Carine Tardiez
The Rider, de Chloe Zhao
West of the Jordan River (Field Diary Revisited), de Amos Gitai

Film d’ouverture :
Un beau soleil intérieur, de Claire Denis

Film de clôture :
Patty Cake$, de Geremy Jasper

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