Loin de mon père, de Keren Yedaya

 

Sélection Un Certain Regard 2014

Loin de son absence, de Keren YedayaQui ?

Née aux Etats-Unis mais élevée en Israël, Keren Yedaya s’est positionnée dès le début de sa carrière en faveur du féminisme et de la paix au Proche-Orient. En témoignent ses deux premiers longs-métrages : Mon trésor narrait l’existence difficile d’une jeune fille cherchant à éloigner sa mère de la prostitution, quand Jaffa traitait, par le drame, la coexistence entre les peuples dans la cité éponyme.

Quoi ?

Certains films partent d’une histoire d’amour. Celle à l’œuvre dans Loin de son absence n’a rien de banal. Efrat est une jeune femme fragile psychologiquement. Elle vit avec Moshe, de trente-huit ans son aîné. Et la différence d’âge n’est pas le seul détail incongru de leur relation : Moshe est le père d’Efrat…

Résultats des courses ?

Il y a des films qu’il faut encaisser. C’est le cas de Loin de mon père, dont le titre est peut-être la seule lueur d’espoir à laquelle le spectateur peut s’accrocher pendant le film. On voudrait tellement que la jeune et ronde Efrat ouvre une bonne fois pour toutes la porte de l’appartement qui lui sert de tombeau et dégage loin, très loin, plus loin encore. Loin d’un père qui ne lui épargne rien. Efrat est seule, jalouse et dépendante. Elle parle peu, essuie ses larmes, renifle. Moshe est pervers et manipulateur. « Ce n’est pas une vie », lui balance-t-il, lucide, avant d’exiger qu’elle se mette à quatre pattes pour la prendre “par le cul” et “sans pleurer”…

D’un bout à l’autre, quasiment sans pause ni respiration, la caméra se rive sur Efrat – sa nuque, ses dents qu’elle ne finit pas de brosser pour chasser la crasse, ses jambes, son dos – pour raconter son abominable calvaire, celui d’une fille partageant la vie et la couche de son géniteur. Loin de mon père est une sorte de Vie d’Adèle âpre et sordide qui enchaîne les scènes abjectes de boulimie, d’automutilation et de viol. Qui filme la cruauté et le sadisme au plus près des corps.

Pris dans un huis clos asphyxiant, le spectateur se laisse conter cette chronique de l’horreur filmée avec austérité. Témoin impuissant, il suit, le cœur au bord des lèvres, cette effraction de l’intime tandis que Keren Yedaya démontre la complexité d’une relation interdite et violente. Sans jamais rien lâcher.

 
Loin de mon père (That Lovely Girl) de Keren Yedaya, avec Maayan Turjeman, Tzahi Grad, Yaël Abecassis… Israël, France, Allemagne, 2014. En sélection Un Certain Regard du 67e Festival de Cannes.