Le Conte de la princesse Kaguya, d’Isao Takahata

 

L’animation à conte d’auteur

La Princesse KaguyaIl se pourrait que les réalisateurs les plus vieux soient parmi les plus inventifs. Peut-être affranchis de toutes règles, ils en inventent de nouvelles. Avec son dernier film, Le Conte de la princesse Kaguya, le premier depuis Mes voisins les Yamada en 1999 et après huit ans de production, Isao Takahata donne l’impression d’offrir une seconde jeunesse au Studio Ghibli, l’année même où Hayao Miyazaki fait ses adieux avec Le vent se lève. Et curieusement, c’est en revenant aux fondamentaux qu’il le fait. Le Conte de la princesse Kaguya est l’adaptation du traditionnel Conte du coupeur de bambous, connu de tous les Japonais et qui remonte au Xe siècle. Celui de ce vieil homme qui trouve au cœur d’un bambou une fillette de la taille de son pouce et qu’il élève comme sa fille. La fillette se change en nourrisson et grandit à vue d’œil, devenant une belle jeune fille en l’espace d’un an. Son père adoptif, qui a également trouvé de l’or dans le bambou, en fait une princesse, dans une résidence qu’il a fait construire en son honneur à la capitale, où elle est courtisée par des hommes puissants. Mais Kaguya ne pense qu’à retrouver les montagnes et les compagnons de sa courte enfance, “les oiseaux, les insectes, les bêtes sauvages, l’herbe, les arbres et les fleurs” qu’elle chante, dans une ritournelle sans cesse réinventée. Une nature évoquée par les magnifiques aquarelles d’Isao Takahata, cette fois plus impressionniste que réaliste. Si tous les rebondissements du passage sur Terre de cette princesse de la Lune sont parfois un peu longuets, Isao Takahata impressionne d’un point de vue formel. Le trait, crayonné, du réalisateur est toujours en phase avec les émotions de la princesse, magnifiant les montagnes qu’elle chérit, moins précis quand il s’agit de retranscrire ses peurs – saisissante scène d’évasion de la cage dorée qui lui sert de palais -, au contraire très net dans le cocon de la résidence où elle parfait son éducation de princesse. Rarement l’animation, dans ses moindres traits, n’avait été à ce point dans l’empathie avec son personnage principal, montrant ainsi qu’il n’est pas seulement question de technique, mais aussi de point de vue, et donc, tout simplement, de cinéma.

 
Le Conte de la princesse Kaguya d’Isao Takahata, avec les voix d’Aki Asakra, Kengo Kora, Takeo Chii, Nobuko Miyamoto… Japon, 2013. Sortie le 25 juin 2014. Présenté à la 46e Quinzaine des réalisateurs.