Only God Forgives de Nicolas Winding Refn

 

Affiche de Only God ForgivesDirection Bangkok, ses ruelles, ses vitrines de filles de joie, ses karaokés kitch, ses lampions rouges et ses néons fluo. Une ville entre rêve et réalité. Un entre-deux dans lequel a échoué Julian (Ryan Gosling en mode moins j’en fais, plus je crève l’écran), le héros d’Only God Forgives.

De Julian on ne sait que peu de choses et compte tenu de son aphasie, on n’en saura pas beaucoup plus. Quelques bribes… L’homme tient une salle de boxe, couverture pour son trafic de drogue. Son frère est assassiné pour avoir tué une prostituée. Sa mère (Kristin Scott Thomas), ivre de vengeance débarque pour rapatrier le corps du fils disparu. Et la même mère d’exiger de Julian la tête du coupable tout en comparant la taille des membres de ses deux héritiers…

Un pitch de série B comme prétexte à un livre d’images baroques, léchées et maîtrisées. Maniérées diront certains. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Only God Forgives est une tragédie grecque avec ce que cela implique d’excès et de symétrie. Son héros déambule. Ni totalement bon, ni totalement mauvais, il est l’être médiocre qui « sans être un parangon de vertu et de justice, tombe dans le malheur non pas à cause de ses vices ou de sa méchanceté mais à cause de quelque erreur », soulignait Aristote à propos du héros tragique. Déroutant, contradictoire et incompréhensible : Julian lutte et subit. Exit le cow-boy de Drive. Devenu Œdipe, l’icône se fait démolir. Coupable et innocent, il est le jouet des Dieux. D’un Dieu ou plutôt d’un homme qui se prend pour Dieu : Chang, vieux policier aux méthodes peu orthodoxes, chanteur à ses heures perdues.

Et tandis que la narration s’étiole, que les dialogues sont réduits à néant et que la musique gronde, Refn ralentit son film à l’extrême. Ici ce ne n’est pas la vitesse des images projetées qui décroît, ce sont les héros qui se déplacent de plus en plus lentement. Un pas après l’autre, ils affrontent leur destin.

Métaphysique, Only God Forgives est aussi radical que Le Guerrier silencieux, aussi éthéré que Drive, aussi volontairement masochiste que Bronson. Une synthèse de ses films, en somme. Refn y interroge le rapport de l’homme à ses actes. Le conflit de l’homme avec les dieux, le conflit des hommes entre eux, le conflit de l’homme avec lui-même.

 
Only God Forgives de Nicolas Winding Refn, avec Ryan Gosling, Kristin Scott Thomas, Vithaya Pansringarm… France, Danemark, 2013. Présenté en compétition officielle au 66E Festival de Cannes.

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