Une semaine dans la vie de Stephen King, un roman d’Alexandra Varrin

 

Une semaine dans la vie de Stephen King, d'Alexandra VarrinSa passion pour Stephen King, Alexandra Varrin l’expose sans ambages, et nous l’explique avec pudeur. Une pudeur bien à elle, qui s’exprime dans un style franc du collier et bourré d’énergie, sans doute la meilleure façon d’éviter les malentendus et les lecteurs à la con. Une présentation sans armure. La passion faite de considération nourrit la prose comme elle renforce la couenne.
Cette fille-là se présente comme tendre à l’intérieur et terrible à l’extérieur. « Nougat et nougatine », disait ma grand-mère Alexandrine, trois fois championne du monde de Nain Jaune. Alexandra ne se dissimule pas sous les artifices du fan décérébré, vous l’aurez compris. Attention toutefois quand j’écris « terrible », ne comprenez pas « terrible » dans le sens « méchante et mauvaise » mais plutôt que la demoiselle s’est offerte une paire de couilles à faire pâlir de honte Tom Hardy et qu’elle les pose rarement sur le buffet de l’entrée.
Il y a du jus dans ce roman.

Alexandra passe sa jeunesse au cœur de la Franche-Comté chez ses grands-parents qui l’élèvent et côtoie « maman », mais pas tout le temps. L’amour ne manque pas, il est difficile de l’apprécier.
Dans cette histoire, le maître apparaît au détour d’un rayon de bibliothèque municipale. Quand la jeune Alexandra, âgée d’une douzaine de printemps tardifs, se fond dans l’univers du King, c’est pour ne plus jamais revenir. Le ticket sera sans retour.

Mais quid de cette fameuse semaine ? Fin 2013, Stephen King débarque à Paris promouvoir Docteur Sleep roman qui reprend le personnage de Danny Torrance, le jeune héros de Shining devenu adulte. Quelques semaines plus tôt, le milieu et les passionnés savent que l’écrivain prendra son temps car l’homme voyage peu. Alexandra rappelle l’angoisse de l’attente mais surtout la crainte de manquer l’occasion de le croiser, et pire, l’appréhension de le sentir à proximité sans même pouvoir le caresser des yeux. Rater la moindre consolation reste insupportable. C’est sans compter sur cette fameuse paire de burnes qui encombre le pantalon de la demoiselle car Alexandra nous donne une sacrée leçon de volonté. Une semaine dans la vie de Stephen King, c’est le titre du roman. La messe est dite. Alexandra nous fait vivre jour après jour les rendez-vous télé et radio et cerise sur une pâtisserie d’Annie Wilkes, les fameux moments où. Les fameux moments où quoi ? Pour les découvrir, je vous conseille d’acheter le roman. Aussi, Alexandra revient en détail sur deux œuvres majeures : le cycle de La Tour sombre et Le Fléau dans le dessein de mieux nous expliquer la complexité de l’univers du King. Une belle attention pour les néophytes, une belle mise au point pour les fans.
Un roman qui résonne avec beaucoup d’amour et de passion.

- Alexandra, donne-nous ton avis sur les adaptations cinéma !
- Mais bien sûr Cédric.

Carrie réalisé par Brian De Palma ?
Une très bonne adaptation après laquelle il aurait été de bon ton de s’arrêter. Je ne sais pas à combien de suites et remakes nous en sommes exactement, mais ça en fait probablement le texte le plus rentable de toute la carrière de Stephen King !

Dead Zone réalisé par David Cronenberg ?
Jusque-là c’était parfait. Et puis il y a eu cette série stupide…

Christine réalisé par John Carpenter ?
Je n’ai vu le film qu’une fois et il y a longtemps ; je me souviens que toute l’atmosphère des années 1950 personnifiée par la voiture en elle-même et la BO y était retranscrite à la perfection, avec de bonnes scènes terrifiantes en prime. L’aspect plus psychologique concernant le personnage d’Arnie Cunningham y est juste esquissé, en revanche, alors qu’il occupe une place très importante dans le livre. C’est visuellement moins intéressant que cette horrible bagnole, cela dit.

Shining réalisé par Stanley Kubrick ?
Stephen King n’a pas aimé cette adaptation, en arguant du fait qu’elle était trop différente de son livre et en avançant un argument imparable : personne de sensé n’embaucherait un type à l’allure de Jack Nicholson pour s’occuper seul de la gestion d’un hôtel comme l’Overlook.
Le documentaire Room 237 offre une théorie intéressante partant du principe que Kubrick aurait délibérément pris le parti de « tuer » l’œuvre d’origine pour se l’approprier complètement : dans le livre, les Torrance arrivent à l’hôtel à bord d’une coccinelle rouge, qui est jaune dans le film et on voit cette voiture jaune croiser son double rouge, accidenté – ce qui ne relève certainement pas du hasard.
Stephen King a incontestablement raison en disant que l’adaptation de Kubrick est différente, voire en opposition à son livre. Ce qui n’enlève rien au fait que le Shining de Kubrick soit un très très grand film d’horreur.

Stand By Me réalisé par Rob Reiner ?
Le livre est un très beau conte sur l’amitié, la nostalgie de l’enfance et le passage à l’âge adulte, autant d’émotions qui sont parfaitement retranscrites dans le film.

Misery réalisé par Rob Reiner ?
Sans cette adaptation, seuls les lecteurs du livre se seraient rendu compte à quel point Annie Wilkes est un personnage casse-pied, et je trouve important que ce constat frappe l’imaginaire collectif de la manière la plus large et percutante possible. Kathy Bates est une actrice formidable.

Les Evadés réalisé par Frank Darabont ?
Pourquoi ce titre ? Sérieusement ? La Rédemption de Shawshank, c’était très bien ; là c’est comme si on avait donné au Sixième Sens un titre du genre « Le mec en fait c’est parce qu’il est mort qu’il voit des morts ».

Dolores Claiborne réalisé par Taylor Hackford ?
Une fois de plus, Kathy Bates est une actrice formidable.

Un élève doué réalisé par Bryan Singer ?
La nouvelle va encore plus loin dans le sordide, mais le film est un sacré choc aussi. La joyeuse marche du papi dans son petit déguisement m’a particulièrement fait froid dans le dos.

La Ligne verte réalisé par Frank Darabont ?
Comme Les Evadés, on est très très proche du livre, avec des passages entiers de narration qui sont repris en voix off. Qui n’a pas pleuré en voyant La Ligne verte la première fois ?

Cœurs perdus en Atlandide réalisé par Scott Hicks ?
Anthony Hopkins doit être un des seuls acteurs capables d’incarner un personnage comme Hannibal Lecter et de le faire instantanément oublier en campant le rôle d’un bienveillant.

Fenêtre secrète réalisé par David Koepp ?
La nouvelle avait été un choc pour moi parce que je l’ai lue à un âge où la schizophrénie était un thème peu à la mode dans les histoires et films d’horreur, hormis Psychose bien sûr. Je ne m’attendais pas du tout à la chute, qui est sans doute prévisible maintenant – le fait que Fenêtre secrète (le film) soit sorti après un film comme Fight Club n’a sûrement pas joué en sa faveur.
Johnny Depp fait un très bon Mort Rainey en tout cas, mais je le soupçonne d’être un peu comme ça dans la vraie vie : fou à lier, crade et en peignoir.

Chambre 1408 réalisé par Mikael Hafström ?
Je retiens une scène parmi toutes : celle où John Cusack, à la fenêtre de la fameuse chambre, fait signe à une personne qui se trouve dans l’immeuble d’en face, plein d’espoir à l’idée d’avoir trouvé un moyen de s’échapper de son enfer, et se rend compte que ladite personne ne fait qu’imiter en effet de miroir les mêmes gestes que lui. Ensuite un fantôme l’attaque, ça gâche un peu l’effet, finalement.

The Mist réalisé par Frank Darabont ?
C’est dommage qu’il faille se fader tous les soliloques de la vieille bigote avant la fin, magistrale.

Ça réalisé par Tommy Lee Wallace ?
Tim Curry fait bien Grippe-Sou.
A part ça, ce téléfilm reste une sombre daube qui aura quand même traumatisé toute une génération et pour lequel j’ai une étrange affection qui me pousse à le revisionner de temps en temps, quand vraiment ça ne va pas.
Tout le symbolisme très très fort dans le livre au sujet de l’enfance, de la croyance, a simplement été éradiqué, et la richesse et la multiplicité des niveaux de lecture du roman en est réduite à une peau de chagrin.

Un coup de cœur et un coup de boule ?
Je vais déjà commencer par le coup de gueule à propos de Jamey Sheridan dans l’adaptation en mini-série du Fléau (par Mick Garris) : le méchant le plus charismatique de toute l’œuvre de Stephen King, la figure du Mal absolu, l’agent du Chaos, ça n’est pas possible qu’il ait un mullet.
Je pense que Rob Reiner et Frank Darabont réalisent les meilleures adaptations de Stephen King. Toutes celles de la liste sont globalement réussies d’ailleurs, et je pense que les ratées (type Les Tommyknockers, Les Langoliers, Simetierre et j’en passe) viennent du fait que les réalisateurs focalisent sur les éléments surnaturels au détriment d’une réflexion sociologique très riche, invariablement présente dans les romans.
Et je trouve ça dommage, parce que beaucoup de gens qui n’ont vu que les films passent à côté de la multiplicité des degrés de lecture que les romans restent les plus susceptibles de nous offrir.
En conséquence, tout ce que je demande, c’est qu’on n’adapte jamais La Tour sombre !

Merci Alexandra !

 
Une semaine dans la vie de Stephen King d’Alexandra Varrin, éditions Léo Scheer. Sortie le 3 septembre 2014. 252 pages.