Plateau télé : semaine du 22 septembre

 

Plateau téléChaque année, à la date susdite, on mouille son mouchoir (en souvenir de Tonton Georges). Mais voilà, cette semaine, pas une seule larme à se mettre aux paupières. Attention, ça ne veut pas dire qu’on s’en fout. Au contraire, la couleur de la semaine sera plutôt politique et engagée. Entre la recherche vaine d’armes de destruction massive en Irak, un portrait de la banlieue toujours actuel, ou un plaidoyer contre la peine de mort, on utilisera notre temps de cerveau disponible pour cogiter un peu sur l’état du monde.
 

Green Zone, de Paul Greengrass – dimanche, 20h45 – France 2

Paul Greengrass n’en est pas à son coup d’essai dans la veine de la mise en scène d’événements réels, souvent du côté des héros ordinaires. Avec sa caméra mouvante, il nous avait déjà plongés au cœur du Bogside de Derry, en Irlande, le 30 janvier 1972, le jour du Bloody Sunday. Quand les militaires britanniques ont tiré sur une manifestation des droits civiques des protestants irlandais. Glaçant. Il avait érigé en héros les passagers du Vol 93, le quatrième avion détourné le 11 Septembre, qui n’atteindra pas Washington. Eprouvant. Dans Green Zone, il poursuit son œuvre, en se plaçant dans la zone fortifiée de Bagdad, à la recherche des armes de destruction massive. Introuvables. L’armée. Le 11 Septembre. L’Irak. Un genre de triptyque revendicatif, efficace, et assez édifiant. Il éprouve les liens entre les institutions, les politiques et les médias. Les mensonges, les manipulations, les tentatives de s’y opposer.
 

Plein Soleil, de René Clément – dimanche, 20h45 – Arte

Oui, bon, alors, regarder un film avec Alain Delon, c’est toujours un peu une épreuve. Il faut essayer de ne pas penser au Alain Delon d’aujourd’hui, essayer d’oublier qu’Alain Delon est Alain Delon. En même temps, l’avantage de Plein Soleil, c’est que c’était il y a plus de cinquante ans (physiquement, ça aide), et que ce n’est pas sur Alain Delon que brille le soleil du film. Etrange choix de casting, quand même, de faire d’Alain Delon le personnage humilié, alors que Maurice Ronet est l’objet d’admiration, et non l’inverse. Comme le choix de Jude Law pour jouer Watson, le fidèle second, et non Sherlock Holmes dans les films de Guy Ritchie. Pour retomber sur ses pattes, on se rassure en se rappelant que dans le remake de Plein Soleil, Le Talentueux M. Ripley, Jude Law joue le beau. Tout est lié, on vous dit.
 

On connaît la chanson, d’Alain Resnais – dimanche, 20h50 – D8

Puisque c’est dans l’air du temps, pointons le sens de l’innovation à la française. Quatre ans avant Moulin Rouge, Alain Resnais forme un film à partir de chansons populaires, chantées en lieu et place de certains dialogues. Alors, non, ça n’a pas la flamboyance de Baz Luhrmann, et on est plutôt entre thésards (sur les chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru) et gens de la bonne société qu’entre courtisanes et poètes bohèmes. C’est plus gris que rouge, disons. C’est ça l’innovation à la française. Des bonnes idées, réjouissantes et interprétées avec brio. Mais c’est quand d’autres s’en emparent et conquièrent le monde avec qu’on s’en rend compte. Un peu comme le Minitel avant Internet.
 

Douze hommes en colère, de Sidney Lumet – lundi, 20h50 – Arte

A l’heure où la question de la justice et de la loi du Talion alimente les débats, il est plus que salutaire de revoir Douze hommes en colère. Vif plaidoyer contre la peine de mort, où un homme, seul contre tous, parvient à les convaincre, un par un, de ne pas envoyer un condamné à la chaise électrique. L’éloquence et la persuasion d’Henry Fonda face aux préjugés, aux envies de justice simple, voire simpliste, et expéditive, aidées par la moiteur et la tension d’un huis clos suffocant. Les personnages se révèlent dans le conflit. Leurs motivations et leurs interrogations se dévoilent et se répondent dans un tourbillon d’arguments et d’émotions. Outre la mise en scène ciselée de Sidney Lumet (sans compter que c’est son premier film…), Douze hommes en colère est plus qu’un grand film. Il est nécessaire.
 

La Haine, de Mathieu Kassovitz – mercredi, 22h30 – France 4

C’était en 1995. Et ça n’a pas pris une ride (Vincent Cassel, peut-être un peu). Plus qu’une incitation à la haine du titre (Kassovitz parlait d’un film antiflics, mais il faut dire que Pasqua était ministre de l’Intérieur), c’est une chronique multiréférencée, de Taxi Driver au Monde sans pitié d’Eric Rochant, aux ruptures de ton constantes. La tchatche, l’humour, le désœuvrement, les courses-poursuites, les confrontations, tout s’enchaîne dans ce rythme si particulier, cadencé par le son d’une trotteuse. Ce tic-tac entêtant de la bombe qui n’attend que d’exploser. Kassovitz ne nous épargne rien. Il fait monter et descendre la pression, à sa guise, sans prévenir, en deux plans. Il filme une journée presque ordinaire sans lâcher d’une seconde ses trois personnages : le sage, le nerveux, le bouffon. Sauf que chacun peut devenir tour à tour le sage, le nerveux et le bouffon, et que, dans ce noir et blanc glaçant, tout peut basculer. A tout moment, au son du tic-tac.

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