Balade sonore : la boîte à trésors de Bruno Podalydès

 

Cet article a été préparé en écoutant :
La Jupe en laine, de Julien Clerc
Il a été écrit dans le silence.
Et relu avec ceci :
Louretta, d’Agnes Obel

 
Bruno Podalydès dans Adieu BertheNé d’une rencontre avec Bruno Podalydès, ce papier lui a été soumis, avec une proposition ludique : nous entre-ouvrir sa boîte à trésors personnelle. Pour mieux connaître l’homme et son univers, pour convoyer ensemble, évoquer, suggérer.
Seules ses images et sa voix, mais aussi ses silences et la rumeur urbaine, ici, nous importent. Cliquez, dès lors, au gré de vos envies.

 
 
Bruno Podalydès a le regard des gens attentifs, celui qui se pose, s’attarde avec douceur, vous dérobe un détail d’une œillade clandestine et vous le restitue dans un commentaire charmant. Ce regard écoute, prend le temps de recevoir et d’échanger. Quitte à n’avoir à offrir en retour que l’aveu, si touchant, de celui qui ne sait, trébuche et s’égare, le sourire aux lèvres – « Où en étions-nous, dites-moi ? »
L’égarement, cet état d’incertitude durable ou passager qu’il fréquente à l’envi, ses personnages, depuis Versailles rive gauche, eux aussi, en sont familiers. Car c’est à l’heure où leur trajectoire se fige, où la vulnérabilité les gagne, qu’il les saisit et les accompagne avec tendresse. L’homme a le goût de l’errance, de sa liberté induite et des petits miracles qu’elle engendre : son monde se nourrit de hasards heureux, d’une famille d’acteurs (son frère Denis Podalydès en tête, Isabelle Candelier, Eric Elmosnino, Jean-Noël Brouté, Michel Villermoz, Pierre Arditi et d’autres), d’une constellation d’objets (la « glaviole » et les « pétons » de Liberté-Oléron se rappellent, ci et là, à notre bon souvenir), de réminiscences enfantines et de cousinages (Alain Resnais et Hergé ne sont jamais très loin).
Son nouveau film, Adieu Berthe, l’enterrement de Mémé, s’ouvre sur l’annonce d’une nouvelle : Berthe, cette grand-mère si discrète que tous en avaient oublié l’existence, est morte. Pour la première fois dans l’univers de Podalydès, une cause narrative se revendique comme telle : « J’en ai habituellement le dédain, mais j’adore me contredire ! » avoue-t-il volontiers. Il s’agira, dès lors, d’aller à sa rencontre, à son encontre. Car Berthe, d’une certaine manière, renaîtra.
Il y a, dans cette comédie au sourire esquissé, le refus du trivial, mais le goût de ce qui s’y rapporte. A cette mort et aux troubles qu’elle engendre chez les vivants, répondent l’appel du large, le désir d’un voyage. Jamais un film de Podalydès n’avait été si structuré et si désireux de prendre, dans le même temps, les chemins de traverse. Les cercueils s’exposent virtuellement, les formules d’enterrement prennent la fuite, les urnes se confondent avec des thermos à café, les corps se font la malle : art de la dérobade, air de fantasmagorie.
C’est que la magie, ses illusions chéries et ses incartades mentales, s’invitent ici à la fête. Armand, le héros égaré de cette histoire (Denis Podalydès, qui d’autre ?), répète en secret des tours dont il cache les outils dans les tiroirs coulissants de sa pharmacie – autre dérobade, visuelle et sonore, que ces mouvements agiles et sans fin, si familiers à l’oreille du cinéaste dont le père était pharmacien. L’enfance et ses repères affectifs
Même lors d’une escapade amoureuse, à l’heure où les amants habituellement s’enlacent, Armand et sa maîtresse (Valérie Lemercier, aérienne et précise) découvrent un trésor : ils lisent à voix haute, comme deux enfants dissimulés, les lettres exhumées d’une grand-mère décidément bien secrète. La séquence prend des accents romanesques : les voilà, le large, l’horizon ! Les mots ainsi prononcés se transforment en images mentales pour celui qui les écoute, le fol espoir de l’amour fou s’y raconte : quelle belle échappée !
« Initialement, notre scénario, à Denis et à moi, nous emmenait vers la Grèce d’où notre père est originaire. Il y avait l’idée d’une suite de Liberté-Oléron et d’un voyage. Finalement, ce voyage se fait dans cette maison de retraite où Berthe a fini ses jours et caché ses lettres. Je salue toujours le manque de moyens ! » raconte Bruno Podalydès. Faute de grives, on mange des merles. Mais le contournement, ici, est heureux, car jamais le cinéaste ne s’éloigne de la lanterne magique qui depuis toujours l’abrite. Celle dans laquelle il fait si bon se lover, se perdre et se laisser troubler.

Les frères Podalydès autour du train électrique La mère et la mer
Jo et Zette dans La Vallée des cobras
L'avion de Howard Hughes Une lettre de l'Aéropostale Casablanca-Dakar
Tintin par Hergé Une couverture tirée du Sceptre d'Ottokar
Une carte postale Tintin
L'écriture et les mains de Serge Daney

La suspension aérienne de Robert Houdin Le "truc" du sou magnétique
La suspension ethéréenne du fils de Robert Houdin
La bibliothèque de magie de Bruno Podalydès
Le phenakistiscope Les ombres d'Humphrey Bogart et Lauren Bacall dans Le Grand Sommeil
Orson Welles dans Vérités et mensonges Audrey Hepburn dans Vacances romaines
Kodac

La lanterne magique Une fantasmagorie


 

Enfin, pour les connaisseurs et fans de la glaviole, une anecdote en bonus :