Rencontre avec Arnaud Viard

 

Arnaud fait son 2e film, Arnaud ViardIl s’en est passé des années depuis sa première réalisation, Clara et moi ! Des années durant lesquelles le comédien Arnaud Viard est devenu un personnage récurrent de Que du bonheur !, programme court d’access prime-time, avant le JT de TF1. Le temps de nourrir ses aspirations de mise en scène qui ne demandaient qu’à éclore. C’est enfin le cas avec Arnaud fait son deuxième film, une autofiction délicieuse. Une mise en abîme drôle et touchante à ne pas manquer avant un futur troisième long que l’on espère tout aussi inventif et savoureux.

 
Comment en vient-on à jouer son propre rôle et à y insuffler de la fiction ?

Je n’ai pas eu de questionnement particulier en commençant à écrire le film. Je n’avais pas réalisé depuis longtemps, je me suis juste jeté à l’eau. Le déclic, ce fut à la sortie d’un film de René Féret, Le Prochain Film, qui avait nécessité très peu de budget. Je me suis dit que je pouvais en faire autant, en racontant l’histoire d’un réalisateur qui n’arrivait pas à monter son deuxième film et qui, en tant qu’homme, ne parvenait pas non plus à faire un enfant à sa femme. Bref, quelqu’un qui a du mal à aller vers sa vie. Je suis donc parti de ce postulat. Et pendant que j’écrivais, ma mère est décédée et j’ai inclus ce tremblement de terre émotionnel qui n’était pas prévu au départ. C’est elle qui m’a donné ce nouveau souffle. D’ailleurs, Un nouveau souffle était le titre initial. Ce film, je l’ai dédié à ma mère. Et à ma fille Cléo qui est née dix mois après la fin du tournage. Un petit miracle.

Mais n’y a-t-il pas là une forme de schizophrénie artistique ?

J’ai bien pensé à mettre plus de fiction dans le film, mais je trouvais ça intéressant de mettre en avant tout ce qui se passait dans ma vie. La série Que du bonheur ! sur TF1 qui était regardée par plus de six millions de personnes tous les soirs et la publicité pour Neuf Télécom m’ont apporté beaucoup de notoriété auprès du public. Mais les gens du milieu du cinéma ne les connaissaient pas… Et même moi, je n’assumais pas particulièrement. Je voulais donc montrer à tout le monde que je n’étais pas que ça, que je véhiculais une image qui n’était pas la mienne. Je suis très fier d’avoir fait ce film en dehors du système. Ce furent deux années de travail pendant lesquelles j’ai appris beaucoup de choses.

Peut-on voir ce film comme une sorte de thérapie ?

Arnaud fait son 2e film, Arnaud ViardNon, pas une thérapie, car j’en avais déjà fait une. En fait, je ne me rends plus compte de ce qui est moi ou non dans ce film. On est tous multiples selon les moments et les rencontres. Celui que je joue est un prolongement de moi. Il y a beaucoup de vrai dans ce personnage. Mais j’ai monté ce film pendant trois mois et jamais je n’ai été perturbé à l’idée de me regarder, comme c’est le cas habituellement. L’Arnaud Viard du film était réellement devenu un personnage de fiction à mes yeux.

Comment avez-vous réussi ce parfait dosage entre narcissisme et autocritique ?

En restant humble et en fuyant la prétention. C’est aussi ce qui ressort globalement des critiques. J’en suis content ! Peut-être que cela provient de mon côté à la fois direct et sensible. Ce film est simplement ma manière de parler de moi et des galères que j’ai pu rencontrer en tant qu’homme et cinéaste. Je le compare ainsi à ces chansons dont le texte dit « Je » tout en étant suffisamment universel pour pouvoir toucher tout le monde. J’aime l’idée qu’on puisse s’identifier à mon personnage.

On pense à Romain Goupil ou Woody Allen. Quelles ont été vos références ?

J’aime l’autofiction, le cinéma qui vient de la psychanalyse. D’ailleurs, tous les cinéastes que j’admire sont ceux dont je peux voir l’homme à travers les films. C’était le cas de Truffaut par exemple avec Antoine Doinel, son double. Mais ça l’est aussi pour Almodovar avec sa vision des femmes ou même Scorsese dans ses polars, à travers le thème récurrent de la rédemption. C’est ça qui me touche au cinéma. Que le réalisateur garde sa lumière, sa personnalité et que le spectateur puisse entrevoir cette lumière et non simplement regarder un produit.

Comment ont été tournées les scènes au Cours Florent dont vous avez été un des professeurs ?

Arnaud fait son 2e film, Arnaud ViardTout était écrit et pensé au préalable, sauf la scène du zapping télé qui était improvisée. J’avais juste donné un canevas aux comédiens, j’ai fait plusieurs prises et j’ai gardé les meilleurs morceaux. En tout cas, je me suis rendu compte que l’école avait bien changé entre les moments où j’y avais été prof en 2001-2002 et la dernière fois en 2010. Si un jour je dois enseigner à nouveau, ce sera uniquement avec des élèves de troisième année qui seront plus concernés par le cinéma que la télé-réalité.

Pourquoi avoir choisi Irène Jacob, plutôt rare, comme rôle féminin principal ?

Je cherchais une actrice pour incarner ma compagne et c’est ma fiancée elle-même qui m’a soufflé l’idée d’Irène Jacob. J’ai trouvé qu’on pouvait faire un joli couple classique et crédible à l’écran. Du coup, je l’ai contactée. Ca faisait longtemps que je voulais tourner avec elle.

Votre film est tout sauf tiède et vous l’avez produit avec des fonds privés. Avez-vous l’impression que le cinéma français manque d’audace ?

Si j’avais choisi la voie traditionnelle qui prend beaucoup de temps car plombée d’allers-retours, j’y serais encore. Là, j’ai eu la chance qu’on engage pour moi 400 000 euros qui ont suffi. A condition d’effectuer quelques sacrifices qui n’ont pas entaché la qualité du film. La seule chose qui me manquait, c’était un distributeur. Et c’est d’ailleurs lui qui a trouvé le titre du film.

Qu’est-ce que la réalisation vous apporte ?

A bientôt 50 ans, être dans le désir de l’autre, ça ne m’intéresse plus. Je veux faire quelque chose de ma vie, être dans l’action et non dans l’attente. Ce qui me plaît le plus désormais, c’est de raconter des histoires. Ca me permet de m’exprimer. Jouer n’est plus le plus important pour moi. Vous savez, j’aurais voulu être un chanteur, car on peut être dans l’ombre au moment des compositions et dans la lumière pour l’interprétation… J’ai aimé jouer ma propre marionnette dans ce film. Emotionnellement, j’étais très ouvert. Je suis content d’avoir eu toutes ces casquettes. J’aime écrire et avoir en même temps l’énergie d’un metteur en scène.

Le personnage de Gabrielle chante qu’il veut être connu et que l’anonymat ne lui va pas. Est-ce quelque chose que vous pourriez vous attribuer ?

Tout artiste a besoin de reconnaissance. S’il le nie, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a beaucoup de frustration dans ce métier. Il est ultra-violent, je trouve. C’est important, la reconnaissance, même si tout le monde ne supporte pas forcément l’exposition. Si Arnaud fait son deuxième film marche, ça va changer ma vie. Je pourrai décrocher des premiers rôles, réaliser plus facilement un autre film, je gagnerai de l’argent en tant que producteur.

Où en êtes-vous de votre adaptation de Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part d’Anna Gavalda ?

Il me faut un budget normal sur ce film-ci, avec un engagement de chaînes de télévision. Actuellement, on est dans la phase de casting, mais on devrait tourner en 2016, si tout va bien…

 
Arnaud fait son deuxième film de et avec Arnaud Viard, avec aussi Irène Jacob, Louise Coldefy… France, 2015. Sortie le 1er avril 2015.