Gérardmer 2012 : morceaux choisis

 

Festival de Gérardmer 2012Gare d’Epinal, 14h20, hier… Voilà ce qu’on entendait :

« Vous savez, l’engouement pour le festival s’est essoufflé au fur et à mesure des années. Au début, on ne pouvait pas se déplacer dans les rues, les gens venaient en masse. Maintenant, les médias jouent moins le jeu, les chaînes nationales ne se déplacent plus ici et on a plus de mal à trouver des partenaires. Du coup il y a bien moins de monde. Remarquez, pour vous c’est bien, vous pourrez vous déplacer et assister aux projections plus facilement ! »

Grand Hôtel de Gérardmer, 17h, hier… Voilà ce qu’on pouvait voir :

Bar cosy et presque désert. Cahier d’inscription aux interviews presque vide. Dans la rue, quelques badauds en mode paparazzi. « Lui, prends-le en photo, je suis sûr qu’il est connu ! »« Zarma, c’est pas de la star ça… » Gérardmer s’annoncerait-il poussif ? Un dernier soubresaut avant d’atteindre sa 20e édition, à égalité avec feu-Avoriaz ?

Le désintérêt des médias et du public pour le festival est paradoxal : outre le fait que Gérardmer reste une référence du genre (1), au même titre que le Bifff de Bruxelles, jamais le cinéma fantastique n’a été aussi à la mode. Horreur, merveilleux, gore, thriller fantastique… Les festivals de tous horizons placent de plus en plus de bizarreries fantastiques dans leur programmation ; d’autres se consacrent exclusivement à ce genre et rencontrent un succès grandissant (l’Etrange Festival, le tout jeune Pifff…) ; enfin, la prolifération de films asiatiques à tendance fantastique alimente comme il se doit les rayons des fnacs. Bref, le cinéma merveilleux vient contrebalancer un septième art ultraréaliste qui rappelle sans cesse aux spectateurs qu’on vit dans un monde de merde. Il est finalement bien plus jouissif de sortir d’une salle de cinéma avec tous ses membres, après avoir vu un type se faire éviscérer de quatorze manières différentes, que de sortir de la même salle de cinéma après qu’un réalisateur a martelé pendant deux heures que le chômage, la pauvreté et la vieillesse nous attendaient au coin de la rue.

Forts de ce constat – que défendait déjà d’une certaine manière Georges Méliès en son temps -, nous, on a décidé qu’on surkiffait Gérardmer et que c’était le moment de vous le dire. Alors on a choisi pour vous cinq films de la sélection qu’on n’a pas encore vus, mais qu’on espère forts, excitants, ou les deux.
 

The Cat, de Byun Seung-wook

Soyeon est toiletteuse dans une animalerie. A la mort d’un client, elle recueille un chat, Silky. Des images d’une petite fille aux yeux de chat commencent alors à hanter Soyeon tandis que ses proches sont assassinés les uns après les autres. Terrifiée, la jeune femme décide de rechercher l’identité de la mystérieuse petite fille, aidée de Junseok, un policier.
La bande-annonce de The Cat n’est pas sous-titrée, mais le film semble emprunter autant à l’univers du conte qu’à l’épouvante asiatique ; quand on sait que les films les plus novateurs viennent de Corée du Sud, on ne peut que s’attendre au mieux avec The Cat, qui se retrouve en compétition avec sept autres films, parmi lesquels La Maison des ombres dont on parle ci-dessous.
 

Invasion of Alien Bikini, de Oh Young-doo

La nuit, le timide Young-gun devient un justicier masqué. Un soir, il sauve une jeune femme des griffes d’un gang. Pour le remercier, la jeune femme souhaite offrir son corps à Young-gun, mais celui-ci a fait vœu de chasteté… Heureusement, car la jeune femme est en fait une alien qui a besoin de la semence d’un homme pour assurer sa reproduction sur Terre.
Comédie loufoque, horrifique, série Z ? Avant même de le voir, on sait qu’Invasion of Alien Bikini, avec son titre racoleur, va nous offrir quelques scènes d’anthologie dignes des productions Troma, et c’est bien tout ce qu’on demande.
 

Grave Encounters, des Vicious Brothers

Cette année, le festival a créé une nouvelle sélection, nommée Extrême. Les cinq films qui y sont présentés se veulent « particulièrement insoutenables ». Les réalisateurs ont poussé l’horreur à son paroxysme. Parmi ces films, une histoire de sciences occultes nazies (Blood Creek, de Joel Schumacher), un slasher familial malsain (Choose, de Marcus Graves), une plongée jouissive dans un asile par le frenchy Alexandre Courtès (The Incident), le remake d’une production Troma des années 1980 (Mother’s Day, de Darren Lynn Bousman), et Grave Encounters, des Vicious Brothers, une fausse téléréalité de chasse aux fantômes qui tourne mal, sorte de Projet Blair Witch en hôpital psychiatrique.
 

La Maison des ombres, de Nick Murphy

Angleterre, 1921. Depuis la fin de la guerre, Florence est une chasseuse de fantômes réputée. Mais elle parvient surtout à prouver que les faits attribués aux esprits ont généralement une explication rationnelle. Lorsqu’elle part enquêter dans un pensionnat, où un meurtre aurait été commis par l’esprit maléfique d’un enfant, elle se heurte à ses convictions tant l’endroit semble mystérieux.
La Maison des ombres semble plus classique que les autres films du festival, quelque part au milieu des Autres (Alejandro Amenabar, 2001), de L’Orphelinat (Juan Antonio Bayona, 2007), et même de L’Exorciste (William Friedkin, 1973) ou Shining (Stanley Kubrick, 1980).
 

The Theatre Bizarre

The Theatre Bizarre est présenté hors compétition, mais au vu de la bande-annonce, on l’aurait bien mis en sélection Extrême… En hommage au Grand-Guignol (nom donné justement à des oeuvres… extrêmes et bizarres, souvent sanglantes), The Theatre Bizarre regroupe sept courts-métrages de sept réalisateurs spécialisés dans le genre : Buddy Giovinazzo, David Gregory, Karim Hussain, Jeremy Kasten, Tom Savini, Richard Stanley et Douglas Buck, spécialiste ès-bizarreries malsaines. Bref, on est aussi excités que terrifiés à l’idée de le voir.
 

(1) Rappelons que depuis 1994, le Festival de Gérardmer a récompensé, et donc souvent contribué à faire découvrir au grand public, de nombreux films : Créatures célestes (Peter Jackson, 1995), Cube (Vincenzo Natali, 1999), L’Echine du diable (Guillermo Del Toro, 2002), Dark Water (Hideo Nakata, 2003), Morse (Thomas Alfredson, 2009), et bien d’autres…