La Maison des ombres, de Nick Murphy

 

Rebecca Hall dans La Maison des ombresHantée par la mort de celui qu’elle aime, Florence Cathcart (Rebecca Hall) se reconvertit après la Première Guerre mondiale en écrivain et chasseuse de fantômes reconnue dans toute l’Angleterre. Dénonçant ce qu’elle appelle « une époque propice aux fantômes », eu égard au million et demi de morts qu’a laissé le conflit, la jeune femme s’attache à dénoncer les charlatans et à expliquer par la science les phénomènes prétendument paranormaux. Lorsque Mallory (Dominic West), professeur d’histoire dans un pensionnat, vient la trouver pour qu’elle enquête sur le mystérieux décès d’un élève, Florence voit ses convictions ébranlées par de terrifiantes apparitions…

En compétition au 19e Festival de Gérardmer, La Maison des ombres dénote par son classicisme dans une sélection qui fait la part belle aux effets sanglants et à la fin du monde. La première scène du film, démystification efficace d’une séance de spiritisme, confirme la qualité de la mise en scène de Nick Murphy, sobre et mesurée. Dans la mouvance des Autres et de L’Orphelinat, ce premier film du réalisateur séduit d’abord par quelques plans splendides, quelques idées bien senties (les marionnettes de la maison de poupée notamment) et d’intéressants personnages. L’espoir d’irrationalité que nourrit Florence Cathcart intrigue et participe de l’intérêt grandissant pour le film durant sa première partie, lorsque le cinéaste donne à ses héros le temps de se dévoiler. Mais hélas, à force d’accumuler les références à d’autres histoires de fantômes au gré du récit, La Maison des ombres finit presque par énerver : le plaisir de retrouver les ingrédients qui ont fait le succès des Autres et de L’Orphelinat s’émousse quand on pense également aux autres films phares du genre, Le Sixième Sens et Dark Water pour n’en citer que deux. Le film de fantômes faisait déjà ses preuves au début des années 1950 avec les poétiques Contes de la lune vague après la pluie ; brillamment renouvelé par Hideo Nakata ou Night Shyamalan il y a plus de dix ans, on espérait davantage de La Maison des ombres qu’une pâle copie dont le dénouement poussif peine à prendre de la hauteur.

La Maison des ombres ne serait-elle pas tout simplement révélatrice de la crise du scénario ? Les réalisateurs et producteurs prévoient de belles images, une musique appropriée, quelques sursauts inoffensifs et d’autres scènes angoissantes, mais finalement, l’ensemble de ces éléments – qu’on appelle un film – revêt-il une quelconque importance à leurs yeux ? Peut-on vraiment proposer au spectateur de regarder dix fois le même film (en toujours un peu moins bien que la fois précédente) sans qu’il s’en aperçoive ? Nick Murphy reprend les codes existants, les vide de leur substance. Dans ce contexte, les scènes les plus réussies sont les plus pragmatiques : la relation qui unit Florence et Mallory, l’ombre de la guerre, la tentative de viol par l’homme de maison (dont on ne sait jamais à quoi il sert, au demeurant)… Une sorte de victoire par défaut, alors qu’on aurait aimé être aussi happé par les fantômes que par les hommes de La Maison des ombres.

La Maison des ombres (The Awakening) de Nick Murphy, avec Rebecca Hall, Dominic West… Angleterre, 2011. Sélectionné au 19e Festival de Gérardmer.