Tyrannosaur, de Paddy Considine

 

Affiche du film TyrannosaurPaddy Considine était surtout connu jusque-là pour ses performances devant la caméra, notamment celle de Shane Meadows dans Dead Man’s Shoes (2004). Mais avec Tyrannosaur, il concrétise une traversée du miroir entamée il y a cinq ans, avec la réalisation de son premier court-métrage, Dog Altogether où Peter Mullan et Olivia Colman tenaient déjà le haut de l’affiche. Paddy Considine y dressait le portrait de Joseph, un homme détruit, en proie à ses excès de violence et à l’autodestruction qui trouve en Hannah, une femme douce et bienveillante, les prémices d’une rédemption. Honoré par une pluie de récompenses dont un Lion d’argent au Festival de Venise et un BAFTA du Meilleur court-métrage, Considine décide alors de retravailler son film, d’en étirer la narration et de creuser la psychologie de ses deux protagonistes, en donnant notamment davantage d’ampleur au personnage d’Hannah.

Ainsi est né Tyrannosaur, ce film brut et brutal emporté par ce même couple d’acteurs absolument génial. Peter Mullan, habité par une furie prodigieuse, explose véritablement à l’écran dans le rôle de Joseph. Animal blessé, gueule cassée, l’homme fonce tête baissée dans une lente et longue errance dévastatrice. Désenchanté, Joseph a fait de la violence son seul exutoire. Face à lui, au contraire, il y a Olivia Colman qui campe une Hannah compatissante, cette femme pieuse et généreuse qui a choisi de consacrer son âme à Dieu et ses journées aux plus démunies. Retirée dans son magasin d’articles d’occasion, à l’abri derrière son comptoir où trône l’icône d’un Christ providentiel, Hannah s’efforce de sauver les apparences et d’oublier son lourd secret. Et alors que Joseph commence enfin à baisser sa garde, trouvant auprès d’Hannah un réconfort qu’il n’espérait plus, celle-ci, au contraire, sent lentement sa foi vaciller et laisse peu à peu affleurer son désespoir. Les rôles s’inversent. Le protégé devient protecteur, la protectrice, protégée.

Tyrannosaur, c’est la rencontre de ces deux solitudes qui s’acharnent à ne pas perdre pied. L’une s’affichant au grand jour, avec fracas, l’autre, plus difficile à cerner, se dissimulant derrière un semblant de “normalité”. C’est le périple anarchique de ces deux êtres à la dérive qui cherchent malgré tout à s’en sortir coûte que coûte. Apre, violent et chaotique, Tyrannosaur ne sombre pourtant jamais dans le misérabilisme, porté par une réalisation intense et un casting de très grande classe.

 
Tyrannosaur de Paddy Considine avec Peter Mullan, Olivia Colman, Eddie Marsan… Angleterre, 2011. Sortie le 25 avril 2012.

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