Titeuf, le film (3D) de Zep

 

Tcheu la honte !

TiteufComment critiquer Titeuf par les temps qui courent sans passer pour une aigrie, une réac ou pire… une vieille. Va pour une vieille aigrie totalement réac. Tant pis.

Il faut dire que mon expérience de projection en avant-première au Grand Rex et en 3D avait de quoi alimenter ma hargne et ne m’a laissé aucune chance de douter du caractère honteux de la chose.

D’abord, une avant-première, un dimanche matin, entourée de centaines d’enfants très réveillés, ce n’est pas humain. D’autant plus quand on vous propose une ouverture des portes à 9h30 pour une projection à 10h30. Promesse inscrite sur le carton d’invitation : « Plein de surprises en attendant la projection. » Vous, sympa, vous emmenez l’enfant d’un ami, histoire de partager ce plan (pourri).

« Surprises » dans le langage marketeux du cinéma signifie « sac en plastique balancé sur le fauteuil de velours rouge contenant tous les produits dérivés Titeuf ». Aucune animation prévue. Les petits poireautent donc plus d’une heure. De quoi explorer le sac promo de fond en comble : un petit carnet de notes, deux marque-pages, des bonbons, et un album d’images à coller. Six images offertes. Heureusement, ces enfants ne sont pas les miens, les parents douilleront pour acheter de quoi compléter l’album. Un «plein de surprises en attendant le film » qui se révèle donc un simple « prends ton sac en plastoc et regarde tout ce que je peux te faire bouffer comme merde, petit client potentiel » à l’image du film qui finit par démarrer en retard, après un lancement incompréhensible par la voix off d’un Titeuf dont les problèmes d’élocution ne me disent rien qui vaille pour l’1h30 qui arrive.

Bien vu. Je visionne un épisode TV de Titeuf étiré jusque plus soif. Vidé de son jus. Ce petit bonhomme, né le 17 mars 1992 des souvenirs d’enfance du dessinateur Zep a pris des rides. Pas suffisamment pour être culte, mais juste assez pour être un brin ringard et à côté de son époque. Ce n’est pas vraiment « la vision qu’ont les enfants des attitudes et des institutions des adultes » comme le définit l’article Titeuf de Wikipédia, mais bien la façon dont des adultes pas très observateurs imaginent la génération des 8-12 ans (âge approximatif de Titeuf).

Des dialogues, on ne retiendra pas grand-chose. Parce que Titeuf a 10 ans et que ses parents n’ont jamais pensé à l’emmener chez un orthophoniste. Seules les expressions titeufiennes ressortent du marécage verbeux : « Tchô », « C’est pô juste », « Chuis (vraiment) maudit des pesticules », « Lâche-moi le slip », « Espèce de zizi sexuel ».

Aux personnages insipides que l’on n’a pas pris la peine d’écrire, on ne s’attache pas vraiment. Y avait-il obligation de conserver un maximum de personnages de la BD pour appâter le chaland fan des planches titeufiennes ? Toujours est-il que la plupart d’entre eux se contentent de passer dans le cadre. A l’instar de la bande des trois adolescents qui persécutent vaguement Titeuf.

A l’origine Zep avait affublé Titeuf d’une banane jaune et d’une tête d’œuf parce qu’il avait la flemme de lui faire des cheveux. Une flemme qui ne l’a pas quitté. 1h30 à tourner autour de la séparation momentanée des parents de Titeuf à laquelle s’ajoute l’impossible invitation à l’anniversaire de Nadia, l’élue de son cœur.

Alors qu’on ne me parle pas de l’humour insolent, du second degré ou des bienfaits de ce dessin animé à l’ancienne. L’argument ne tient pas une seconde face à l’ennui des gamins qui étaient assis autour de moi ce jour-là, peinant à rire et regardant bien souvent ailleurs que vers l’écran. J’imagine la scène dans les bureaux qui ont vu naître ce projet : « Target la cible. La démultiplier. Asap. Mettez quelques trucs scato pour les 3-5, quelques roulages de pelle baveux pour les pré-ados, de la couleur pour les tout-petits… Ajoutez deux-trois jeux de mots biens sentis pour les parents bobo et puis un clin d’œil à Johnny pour les autres… Tout ça monté de façon épileptique et bruyante parce que c’est ça qu’ils aiment les gosses. Et puis tout ça en 3D. OK ! »

Mais revenons-en aux faits. Titeuf est une star dont on se refuse à dire du mal. Au palmarès du gamin, on compte déjà une exposition Zizi sexuel d’octobre 2007 à janvier 2009 à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris, une place Titeuf à La Bouverie, sur la commune de Roquebrune-sur-Argens, deux jeux de société Titeuf, une statue à son effigie érigée sur le porche de l’ancien couvent Sainte-Cécile de Grenoble, actuel siège de l’éditeur Glénat. 13 albums, 2 hors série, 9 DVD, 8 jeux vidéo, de nombreux épisodes TV… Un filon juteux qu’on n’a pas cessé d’exploiter à temps. Une énergie non renouvelable dans laquelle on continue de piocher sans aucune intelligence.

Alors que la série TV apparaissait bien bridée en comparaison de la bande dessinée, cette production s’affiche totalement fadasse. Cabrel, Bénabar, Johnny composant la bande originale n’arrange rien. Un trio presque inévitable. Que Souchon s’y soit également collé laisse un peu songeur. Mais le cœur se sert à l’idée d’un Jean Rochefort prêtant sa voix au grand-père de Titeuf. En même temps, il fait bien des pubs pour Amaguiz, l’assureur en ligne.

Ce qui me rassure au fond, c’est que l’enfant de mon pote n’aura jeté au sac merchandising que le regard désintéressé d’un chat sur une souris morte. Qu’à la question « Qu’est-ce que tu as aimé du film ? », il n’aura été capable d’évoquer, vaguement, que « le moment-là, où il fait pipi sur le tapis » et que sur le chemin du retour, il avait déjà oublié le moment que l’on venait de vivre et se préoccupait avec un intérêt vif – qui l’avait quitté les deux précédentes heures – du passage des métros sur la ligne 13. Comme quoi les petits trains…

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