Ticks, de Tony Randel

 

Ultra-nanar

Ticks, de Tony RandelDe jeunes citadins « à problème » rejoignent un projet de vie en pleine nature mené par l’assistante sociale Holly et son fiancé Charles, un sociologue. Participent à l’expérience Tyler, agoraphobe depuis que son père l’a « oublié » en pleine forêt pendant deux jours lorsqu’il avait huit ans, Panic, qui a grandi dans le ghetto de L.A. et dissimule son cœur fondant derrière une bonne dose de violence et d’humour pince-sans-rire, Roméo et Dee Dee, deux ados à la plastique parfaite seulement intéressés par leurs nombrils respectifs, Kelly, dont le viol lui a fait perdre l’envie de parler, et Melissa, la fille de Charles, sans problème apparent à part celui d’être la fille de Charles le sociologue un peu chiant. Le groupe s’installe dans une cabane isolée, non loin d’une plantation de marijuana. Les stéroïdes utilisés par les trafiquants pour accélérer la maturation de la drogue provoquent la mutation des tiques environnantes, ces parasites voraces qui s’agrippent à leur hôte et leur sucent le sang.

Décelez-vous dans le pitch de Ticks le mince fil qui sépare le génie du nanar absolu ? Fruit du hasard ou second degré assumé, inutile de chercher la réponse : Ticks relève aussi bien du génie que du nanar. Simple question de point de vue. On peut gloser sur l’intérêt limité, voire totalement absurde, de la scène d’ouverture entre Darrell « Panic » Lumley (“On me surnomme Panic parce que je ne panique jamais”) et Tyler Burns, mais reste que voir Seth Green ado, grosses lunettes et pantalon trop large, affronter Alfonso Ribeiro (plus connu sous le nom de Carlton Banks dans la série culte Le Prince de Bel Air) au basket, c’est jubilatoire.

On peut se demander si un sociologue qui monte le projet d’une vie préférerait vraiment forniquer toute la soirée avec sa fiancée plutôt que de passer du temps avec ses ouailles. Et si une tique, même mutante, grandit dans une larve pleine de sirop d’érable (en tout cas, ça y ressemble étrangement) avant d’en sortir et de tenir davantage du crabe que de l’acarien. On peut. Mais on peut aussi sentir les poils se dresser sur la peau lorsque la créature rampe à grande vitesse au sol avant de se jeter sur sa proie avec un désagréable bruit de succion, sensation exacerbée lorsqu’on découvre que la créature n’est pas venue seule mais en famille (nombreuse). On peut se délecter du sang qui gicle, de la peau qui s’arrache, des corps qui se déchirent non sans rappeler les métamorphoses vicieuses et visqueuses d’un Brian Yuzna – qu’on retrouve ici à la production.

On peut même crier à la discrimination (seuls les méchants, le chien, le cochon d’inde et le Noir meurent), pleurer devant la bêtise et la naïveté des personnages, et s’insurger devant des raccords qui prennent de larges libertés avec le temps (Mais pour la dernière fois, fait-il jour ou nuit ?) comme avec l’espace (Tiens, ce van n’était-il pas garé bien plus loin, il y a quelques secondes ?), mais au final, on va en rire. On va adorer. Parce que Ticks fait parfois toc, mais remplit son rôle de freaky movie qui effraye autant qu’il met de bonne humeur, et ça, ça relève définitivement du génie.

 
Ticks de Tony Randel, avec Seth Green, Alfonso Ribeiro, Rosalind Allen… Etats-Unis, 1993.

Mots-clés : , ,