The Sacrament, de Ti West

 

The Sacrament, de Ti WestTrois journalistes du magazine VICE dont un photographe partent tourner un reportage sur une communauté religieuse où s’est retirée depuis quelque temps la sœur de ce dernier. Perdu en pleine nature dans un lieu tenu secret, le village – tout de même fermement gardé – qu’ils découvrent renferme une population qui semble vivre dans une béate sérénité. Tous semblent adhérer pleinement au projet de société alternative proposé et régenté par un “père” bienveillant et omniprésent. Pourtant, après une prise de contact plutôt positive, la belle utopie va bientôt tourner au cauchemar.

The Sacrament est le vrai-faux documentaire réalisé à partir des rushs de cette enquête en immersion. S’annonce alors, pour le meilleur et pour le pire, un nouveau found footage. Soit le procédé de réalisation le plus éculé de ces dernières années (depuis le matriciel Projet Blair Witch en 1999) mais aussi le plus délicat à manier. On ne compte plus les réalisateurs de films fantastiques, d’horreur, de terreur, de thriller qui s’y sont faits piéger au petit jeu de la cohérence.
Pour booster la dramaturgie par une augmentation de l’effet de réalité, le film found footage demande une réalisation ultra-rigoureuse où chaque source d’image doit être parfaitement justifiée et identifiée. A la moindre facilité qui consisterait à reprendre la main – en installant un plan posé, par exemple -, le dispositif risque de vaciller. Alors, quand Ti West enchaîne les entorses à la règle, jusqu’à la boulette finale et fatale absolument sidérante – comment peut-on monter des images qui n’existent plus puisque leur source a été perdue ? – on ne peut qu’éprouver un incroyable sentiment de gâchis. La confirmation par l’exemple d’une impression initiale latente qui s’impose in fine comme une évidence : The Sacrament aurait été bien plus efficace s’il avait été tourné et assumé comme une vraie fiction. Pourtant, malgré des flottements permanents entre le nombre d’axes montés et celui des caméras identifiées et cette erreur ultime, le film ne manque pas de qualité, notamment au niveau de l’intensité dramatique de certaines séquences clés. C’est le cas de cette surprenante interview en public du gourou, papy débonnaire à l’insidieuse dangerosité, de l’époustouflant radicalisme du dénouement, ou encore de la subtilité du début de l’enquête quand les journalistes finissent par éprouver une certaine empathie pour cette communauté utopique où chaque membre semble enfin vivre une existence apaisée. La vérité du film se trouvait là, loin de tout artifice.

Finalement, avec The Sacrament Ti West dégaine à nouveau les caméscopes après avoir réalisé deux segments de V.H.S., le film d’horreur found footage ultime de 2012 – l’intrigue fil rouge étant elle-même un found footage ! Mais entre un court module et une narration de 1h30, il y a un monde d’exigence et de rigueur qu’il ne parvient malheureusement pas à franchir.
Si le found footage avait été interdit son film aurait été sacrément réussi. Dommage.

 
The Sacrament de Ti West, avec Joe Swanberg, Kentucker Audley, AJ Bowen… Etats-Unis, 2013. Prix SyFy du 21e Festival international du film fantastique de Gérardmer.