Sur la route, de Walter Salles

 

Sur la route, de Walter SallesWalter Salles, le réalisateur de Carnets de voyage, a eu bien de l’audace en acceptant d’adapter au cinéma le célèbre roman de Jack Kerouac Sur la route, véritable manifeste de la beat generation. Une audace que le cinéaste n’est malheureusement pas parvenu à transmettre à son film qui s’avère d’une décevante banalité. Bien malin celle ou celui qui trouverait dans cette œuvre ne serait-ce qu’un semblant de l’invraisemblable élan de liberté qu’ont incarné Kerouac, Ginsberg, Burroughs et les autres. Des têtes brûlées à l’esprit vagabond à l’origine d’un souffle libertaire sans concession et qui ont fait du mouvement permanent, de l’expérimentation et du plaisir les fondements d’un nouveau mode de vie. Des individus pour lesquels “la liberté valait tout ce par quoi ils sont passés pour la célébrer”, se souvient Al Hinkle (aka Ed Hunkel dans le roman et le film), l’un des rares survivants de la petite bande. Là où Walter Salles échoue, c’est en passant totalement à côté de la géographie interne des personnages, de leurs vicissitudes psychologiques, réduisant Sal Paradise (Sam Riley), Dean Moriarty (Garrett Hedlund) et Marylou (Kristen Stewart) à de simples férus de parties de jambes en l’air, à des consommateurs de whisky, de be-bop et de benzédrine. Quelle pathétique séquence que celle où Marylou et Dean gesticulent tant qu’ils peuvent sur un Salt Peanuts qui les dépasse totalement, simulant un état de transe auquel on ne croit pas un seul instant ! Et quant à donner de la consistance à leurs états d’âme, à leur brûlante volonté de ne pas se laisser enfermer, le film ne propose rien. Difficile de développer une quelconque empathie pour ces personnages, tant le récit s’accommode de lignes narratives insipides. Une accumulation interminable de séquences sex & drug, entrecoupées de pénibles inserts en voix off directement extraits du texte original… Aveu de faiblesse classique lorsqu’on réalise s’être frotté à plus fort que soi. Le Sur la route de Walter Salles est bien trop timide pour espérer restituer une once de la force du livre de Kerouac. Comme paralysé par l’enjeu, le réalisateur tricote et tournicote autour de son sujet sans jamais oser s’en approcher, balbutiant un cinéma sans ambition et sans la moindre intensité dramatique qui balance entre road trip sans vie et trip tout court sous amphétamines périmées. Mais de tripes, justement, Walter Salles en a manqué et pendant plus de deux heures, se laisse entraîner sur une pente à 15 %, celle d’un ennui profond, sans jamais donner l’impression de contrôler quoi que ce soit.

Sur la route de Walter Salles, avec Garrett Hedlund, Sam Riley, Kristen Stewart, Viggo Mortensen, Amy Adams… France, Brésil, 2012. En compétition au 65e Festival de Cannes. Sortie le 23 mai 2012.

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