Star Wars VII : le réveil de la Force, de J.J. Abrams

 

Il y a longtemps, dans une galaxie lointaine… trop lointaine

Critique garantie sans spoiler.

Un peu d'attente pour Star Wars 7Tout fan de la série vous le confirmera : Star Wars a défini ses propres codes et perdure depuis 40 ans car chacun tente de les respecter du mieux possible. De fait, le familier texte d’introduction de ce septième épisode, revêtu de sa perspective dorée et rassurante, se termine étonnamment par quatre points de suspension, étrange liberté typographique soulignant d’entrée une soif de parachèvement, envers et contre toute règle pourtant établie à l’avance… Nous voilà prévenus.

Après 32 ans d’attente (car les gens de bon goût font fi autant de la prélogie que de la quatrième aventure d’Indiana Jones), une dream team s’est finalement réunie autour de J.J. Abrams. Ne manque que Billy-Lando-Dee Williams encore un peu trop gourmand et le regretté Roger Carel pour les voix françaises. Les autres (acteurs, scénaristes, maquilleurs, musicien ou designer sonore d’origine) sont tous là, moins un George Lucas finalement gardé à distance. Bref, l’équipe de rêve d’une princesse au bois dormant qui a déjà réussi l’exploit marketing de se refaire désirer. La séance est levée et l’excitation grandit.

De la guerre sans beaucoup d’étoiles

Le film déroule donc plaisir et questions mais la gêne remplace peu à peu les étoiles dans nos yeux : trop de fan service tue le fan service. Harrison Ford joue une promenade de santé. Lui qui aurait pu nous gratifier d’un rôle dramatique à la hauteur de la situation et de son talent, se rebelle dans la facilité et le revival déplacé. Les méchants, eux, ont très clairement été sous-évalués et si Adam Driver s’en sort avec un mot d’excuse, Andy Serkis est simplement vidé de son charisme numérique habituel. C3PO se résume à un caméo et R2D2 devient une simple boîte de conserve, terriblement soustrait à l’humanité qui a fait toute sa gloire. Reste qu’il est plus utilisé que la Stormtrooper argentée ou le marchand de ferraille de Jaku, des personnages que l’on reverra peut-être mais dont le peu de développement laisse pour le moins perplexe.
Certains choix de réalisation et de montage paraissent hasardeux ou choisis à la va-vite, ce qui paraît quand même étonnant lorsqu’on connaît le CV du réalisateur. On est très loin de la picturalité d’origine malgré son esthétique proche qui copie toutes les cinq minutes un plan des anciens films comme pour mieux s’excuser de nous rattacher à quelque chose de tangible. C’est d’autant plus dommage que certaines séquences, vertigineuses et assumées comme celle du Faucon Millenium rasant le dessus des vagues ou se frayant un passage dans des arbres, sont absolument sublimes de modernité, de cohérence et d’efficacité. Mais rappelons un fait pourtant simple aux intéressés : le vaisseau, aussi rapide soit-il, ne traverse pas l’univers en 5 secondes…
La musique de John Williams est quasi inexistante, seulement remarquable en début et en fin de métrage. Un comble lorsqu’on connaît sa qualité, l’importance de ses thèmes, et qu’on a pu écouter celle, sublime, de la prometteuse bande-annonce. Les effets numériques sont à la hauteur, mais ne dissimulent pas toujours un budget relativement modeste pour un projet de cette envergure (200 « petits » millions de dollars, autant que pour Van Helsing, Iron Man 3 ou Monstres Academy…). De fait, on est surpris de découvrir des décors qui font… décors… et certains aliens au design douteux. Avec un film historique en termes d’effets spéciaux, qui n’aurait pas souhaité le haut de gamme et éviter la maladresse ou la fainéantise ? A titre d’exemple, le son du robot BB-8 est disponible pour smartphones depuis plus de 6 ans. On a déjà vu mieux en termes de créativité.

Star Wars Reboot

La mythologie n’a pas eu droit à beaucoup plus d’égards. L’histoire brouillonne hésite entre deux ou trois héros adolescents peu crédibles qui ne marqueront pas. Les lieux et les batailles s’enchaînent sans temps de repos suffisant. Balloté dans un récit superficiel pourtant nourri de nos attentes les plus grandes, le temps défile entre deux sourires d’archives et c’est avec un cœur de plus en plus lourd que notre souvenir se précise : on n’écrit pas un conte comme un clip et les invraisemblances se doivent d’y être plus mesurées. Enfin, il ne suffit pas de faire applaudir une salle toutes les 10 minutes, telle l’arrivée d’un personnage de Friends, « pour faire un bon film de vaisseaux spatiaux » dixit son créateur lucide et un peu amer. Oublier à ce point le rythme narratif quand on a autant le souci de bien faire est incompréhensible.
Certaine réjouissances accompagneront toutefois notre déception. La première heure notamment, le déjà connu BB-8 qui renvoie Jar Jar Binks définitivement aux oubliettes, les nouveaux venus Daisy Ridley et John Boyega, quasi sans faute et qui auraient dû faire le centre de l’histoire, les retours réussis de Chewbacca, de Luke, de Leïa, d’un humour caustique et d’un peu de poussière. Mais quel dommage que celle-ci rappelle plus Expendables que la misère d’une dictature intergalactique ayant traumatisé plusieurs générations de spectateurs.

Je n’aurais jamais pensé encore dire d’un film qu’il lui manque un peu de George Lucas, et pourtant… Le Réveil de la Force se devait « d’apprendre la patience » qu’il a lui-même exigé. Par excès de confiance et de légèreté, il manque de prendre son temps, comme pour vite passer sur le fait qu’il n’a finalement que peu à raconter aux fans exigeants. Seule une phrase du film reste alors en tête, et résume à elle seule le sentiment de ces derniers : « Ce que tu cherches ne se trouve pas derrière toi, mais devant toi. »

 
Star Wars VII : le réveil de la Force de J.J. Abrams, avec Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac, Harrison Ford, Adam Driver, Carrie Fisher, Andy Serkis, Mark Hamill… Etats-Unis, 2015. Sortie le 16 décembre 2015.