Pelo Malo, de Mariana Rondon

 

Pelo Malo, de Mariana RondonOn a rarement des nouvelles du cinéma vénézuélien. Avec Pelo Malo, on est heureux d’en prendre un peu et de se rendre compte qu’il y a là une parole qui ne demande qu’à traverser les frontières, surtout avec un thème aussi personnel et particulier que celui de l’identité sexuelle, à l’heure où la théorie du genre fait grincer des dents les grenouilles de bénitier. Après Tomboy ou Ma vie en rose, voici donc l’histoire de Junior, neuf ans, qui s’ennuie dans sa barre HLM qui se délite petit à petit et où tout le monde est parqué comme des poulets en batterie. Lui, tout ce qu’il aime, c’est danser en levant les bras, se promener avec sa meilleure amie boulotte qui se rêve en Miss Venezuela, admirer le vendeur de l’épicerie du coin qui a l’air fort sous son T-Shirt et se coiffer. Junior aime beaucoup se coiffer. Ses bouclettes de métis, il n’en veut pas. Lui, il fantasme sur l’idée d’avoir les cheveux raides et lisses et il contraint sa chevelure rebelle à toutes sortes de traitements pour y parvenir. Au grand dam de sa mère, froide et incapable de lui témoigner son amour, qui redoute plus que tout que son fils ne devienne jamais un homme comme les autres. Jusqu’à forniquer devant lui, afin de lui montrer que ce sont là les vraies valeurs et non l’épicier du coin. Et quant à sa grand-mère, si elle a compris avant lui ses futures inclinations, elle souhaite simplement le racheter à sa bru pour en faire sa chose, qu’elle pourra coiffer et vêtir à sa guise. Il n’y a donc que dans la musique que Junior peut s’évader de ce destin misérabiliste, sous fond de maladie du président Chavez pour qui les gens se rasent la tête, en signe de solidarité à sa chimiothérapie. Voilà une chronique familiale loin d’être rasante que nous livre la réalisatrice Mariana Rondon qui a obtenu pour la peine le Coquillage d’or au dernier Festival de San Sebastian. Mais c’est certainement un vent de polémique à se faire des cheveux qui l’attend dans son pays natal où le film n’est pas encore sorti. Pour autant, elle révèle ici deux talents prometteurs : Samuel Lange Zambrano (charismatique et qui a déjà tout compris au cinéma, comme Quvenzhané Wallis dans Les Bêtes du sud sauvage) et Samantha Castillo dans le terrible rôle d’une mère incapable d’aimer son enfant. Un film qui grise et défrise, trop précieux pour être manqué.

Pelo Malo de Mariana Rondon, avec Samantha Castillo, Samuel Lange Zambrano, Beto Benites… Venezuela, 2013. Sortie le 2 avril 2014.