Paradis : Amour, de Ulrich Seidl

 

Paradis : Amour de Ulrich SeidlAch… le cinéma autrichien, y a pas à dire c’est toujours truculent. Avec son Paradis : amour, Ulrich Seidl entame une trilogie plus que prometteuse sur les différentes façons de passer ses vacances. Dans ce premier opus, il s’attaque au tourisme de masse et aux séjours érotico-exotiques (plus communément nommés “tourisme sexuel”) de quinquas autrichiennes au Kenya (les “sugar mamas”). Le réalisateur autrichien s’interrogeait déjà sur le corps et son commerce dans Dog Days et Import Export. Cette fois, il dresse un portrait ironique et sordide, réaliste et pathétique de ces relations humaines monnayées au pied des cocotiers.

La cloche des vacances a sonné et Térésa laisse derrière elle fille pubère, chat et job auprès des handicapés pour venir chercher l’amour. D’abord hésitante, la voilà qui enchaîne bientôt les beach boys, portée par l’illusion de l’amour. Car « l’amour ne finit jamais en Afrique ». Mais les relations sont éphémères et chimériques ici. A la clef : toujours la même déception.

Travaillant la symétrie et déroulant ses plans comme autant de cartes postales surannées, Seidl écaille l’exotisme. Peintre excellant dans la composition picturale, il multiplie les images-tableaux pour magnifier le glauque des situations. Sans artifice, il montre l’impossible rencontre. Souligne les frontières visibles et invisibles. La plage des touristes délimitée par une corde tirée entre deux piquets devant laquelle des gardiens déambulent pour protéger leurs ouailles. La ferme aux crocodiles où l’on tente de réveiller les bêtes avec un bout de barbaque pour divertir l’étranger…

Tout est si triste et drôle dans ce long-métrage. Un film-épreuve dans lequel Ulrich Seidl n’épargne jamais le spectateur. La réalité est crue. Comment la montrer autrement ? La solitude, la misère, le prix des corps noirs, les signes extérieurs de vieillesse chez ces femmes qui se regardent vieillir, guettent leurs rides et leurs chairs flétrissantes. Il est aussi question de racisme, évidemment. De rémanence coloniale. Ici le Noir est encore « Nègre », difficilement reconnaissable « parce qu’ils se ressemblent tous ». Cet autre que l’on peut dresser à l’envi.

Sous le soleil brûlant qui rougit les peaux blondes et les corps replets, le tourisme sexuel interroge les rapports exploité/exploitant, le pouvoir de l’argent, le fossé qui sépare l’Europe et l’Afrique et en dit long sur la déliquescence du monde.

 
Paradis : Amour de Ulrich Seidl, avec Margarethe Tiesel, Peter Kuzungu, Inge Maux… Autriche, 2012. En compétition au 65e Festival de Cannes. Sortie le 9 janvier 2013.

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