No, de Pablo Larrain

 

No, de Pablo LarrainChili, 1988. “Ce que vous allez voir est en lien avec le contexte social actuel du pays”, lance Gael Garcia Bernal alias Rene Saavedra, un publicitaire reconnu, pour présenter son spot TV vantant les mérites de “Free”, la nouvelle boisson au cola chilienne. Nous sommes à la veille du référendum organisé par le gouvernement de Pinochet sous la pression internationale. D’emblée, le film nous plonge dans les années 1980 : l’image est sale, entachée de grains et d’impuretés. Le réalisateur s’est servi d’une vieille caméra d’époque afin de raccorder au mieux avec les images d’archives dont est émaillé le film. Les couleurs sont sans éclat, c’est le triste règne du beige et du marron. Tout convoque ces années un peu mornes dans l’imaginaire collectif. Comme ce micro-ondes venant d’intégrer la cellule familiale que l’on place sur la table et que l’on regarde fonctionner comme on regarderait la télé. Ce célèbre publicitaire au look suranné, donc, a été contacté pour mener la campagne du “No”, celle des partisans d’un nouveau Chili débarrassé de son dictateur. Leur but : éveiller les consciences et convaincre les millions d’électeurs à prendre part au référendum. Face à eux, les partisans du “Si”, essentiellement animés par le souci de redorer l’image quelque peu ternie de leur chef.

Ce film historique au contexte douloureux va pourtant être le théâtre d’une véritable ode à la joie, par le biais d’une campagne follement audacieuse. Qui ne sera pas fondée sur les dénonciations des actes odieux et inhumains du régime, mais sur des spots mielleux et rose bonbon vendant aux électeurs tout simplement une vie meilleure, un billet d’entrée dans le monde des Bisounours. Tout cela au rythme de “La Joie arrive enfin !”, chanson-slogan digne d’une pub de la famille Ricoré. De quoi bien rire aujourd’hui de ce kitsch estampillé années 1980.

Et le casting est impeccable, Gael Garcia Bernal en tête, formidable. Mais on peut aussi saluer Alfredo Castro en publicitaire arriviste, dénué de talent mais entièrement dévoué à la dictature. L’ironie mordante dont ils font preuve dans leurs affrontements fait souvent mouche. Et on rit beaucoup. Pourtant la toile de fond est loin d’être drôle. La tension est palpable dans quelques scènes de surveillance rapprochée de ceux qui mènent la campagne du non. On se demande souvent quand on va basculer dans le drame. Le ton reste pourtant léger, si l’on peut dire, même si le regard du réalisateur est, à l’occasion d’une pirouette finale, sans illusion et chargé d’amertume sur la société capitaliste qui va se mettre en place après la chute de Pinochet.

 
No de Pablo Larrain, avec Gael Garcia Bernal, Alfredo Castro, Antonia Zegerz, Luis Gnecco… Chili, Etats-Unis, 2012. Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs 2012. Sortie le 6 mars 2013

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