Mundane History, d’Anocha Suwichakornpong

 

Mundane HistoryMundane History raconte l’histoire d’Ake, paralysé suite à un accident. Allongé dans son lit, ses journées s’écoulent péniblement, avec une monotonie écrasante. Incapable d’accepter la situation, étouffé par un père autoritaire, Ake se réfugie dans le silence. L’arrivée de Pun, aide-soignant engagé pour s’occuper de lui, va peu à peu bouleverser l’univers mutique d’Ake et lui redonner goût à la vie.

 
Attention : malgré son titre (« Histoire banale » en français), Mundane History n’a rien de quelconque. Le premier long-métrage d’Anocha Suwichakornpong vient même confirmer avec éclat tout le bien qu’on pensait du septième art thaïlandais de ces dernières années. Injustement réduit à un cinéma poussif, incohérent voire casse-pieds depuis la Palme d’or à Apichatpong Weerasethakul en 2010 pour le pourtant superbe Oncle Boonmee, de plus en plus de réalisateurs viennent trouver écho hors des frontières de la Thaïlande et dans les nombreux festivals européens. C’est le cas de ce Mundane History, récompensé à Breslau, à Rotterdam et en Transylvanie en 2010, qui sort enfin sur les écrans français ce 16 janvier 2013.

Outre un nom à rallonge, Anocha Suwichakornpong partage avec Apichatpong Weerasethakul un goût pour la liberté cinématographique : celle, notamment, de suspendre volontairement le temps du récit, accentuant ainsi dans toute la première partie du film la pesante situation d’une existence qui ne se vit plus vraiment, avant de redonner mouvement – et donc vie – à sa caméra et à son personnage ; la mise en scène se fait plus métaphysique, plus onirique. Ake se livre, il se rêve autrement, s’imagine supernova. Mundane History est frappé d’étrangeté et se regarde alors comme une succession de tableaux sensoriels et cosmiques, à la manière du Tree of Life de Terrence Malick. Anocha Suwichakornpong mêle passé et présent, non sans égarer avec délicatesse un spectateur sous le charme. Ici, la liberté se retrouve aussi dans le choix de lancer le générique après seize minutes de film – comme Apichatpong l’avait fait dans Blissfully Yours -, dans l’utilisation par touches intenses d’une musique aérienne, dans des plans décadrés ou dans une séquence d’accouchement aussi chirurgicale que magnifique.

Œuvre impressionniste, Mundane History n’en est pas moins forte : la réalisatrice propose une réflexion sur la situation politique thaïlandaise à travers la relation entre un fils affaibli, dépendant, et un père tout-puissant. La réussite tient à ne jamais être insistant mais à rester dans cet entre-deux, quelque part entre le pragmatisme terrestre et la spiritualité céleste.

 
Mundane History (Jao nok krajok) de Anocha Suwichakornpong, avec Phakpoom Surapongsanuruk, Arkaney Cherkam, Paramej Noiam, Anchana Ponpitakthepkij. Thaïlande, 2010. Sortie le 16 janvier 2013.