Kiss and Cry, de Chloé Mahieu et Lila Pinell

 

Le feu sur la glace

Kiss-and-cry-film-lila-pinell-chloe-mahieu-acidSarah et sa famille rentrent à Colmar, ville d’Alsace plongée sous le froid et la grisaille, après une très courte période à Paris, peu concluante. Lycéenne caractérielle, Sarah suit des cours de patinage artistique depuis à peu près toujours, et revient dans son ancien club en déclin. L’objectif de sa mère : voir sa fille accéder à la première marche du podium au championnat de France, quitte à aller voir une voyante pour se rassurer. Celui de Sarah ? On ne saura pas vraiment, car elle non plus. C’est avec elle qu’on endure les interminables séances d’entraînement sous les insultes de son entraîneur ; c’est avec elle qu’on ressent sa colère et sa lassitude.

Le binôme Chloé Mahieu et Lila Pinell se réapproprie avec Kiss and Cry les thèmes qui semblent leur être chers : la jeunesse, sa fougue et ses premiers amours. Après leur documentaire Nos fiançailles en 2011, qui suit la préparation du mariage de Fleur, jeune catholique traditionaliste et militante, ce duo de documentaristes réalise son premier long-métrage de fiction. On ne sera donc pas étonné d’avoir par moment l’impression de regarder un documentaire sur la vie d’adolescente.

A un âge où on accumule les premières fois, Sarah et ses copines patineuses veulent échapper à la stricte discipline qui leur est imposée. Les dialogues entre les personnages sont frappants de réalisme. Kiss and Cry nous livre des scènes dans lesquelles les jeunes acteurs sont tellement bons et à l’aise devant la caméra, qu’elles pourraient être le fruit de séances d’improvisations (mais peut-être le sont-elles un peu ?). Il est possible de les trouver vulgaires, car vulgaires ils le sont parfois, mais touchant de maladresse. Les filles et les garçons expriment avec grande difficulté leurs émotions, se protégeant d’éventuelles moqueries pouvant nuire à leur réputation.

Dans cette ambiance oppressante survient parfois une séquence onirique, tout droit sortie d’un spectacle d’Holiday On Ice, avec fumée et éclairage, comme une pause poétique entre deux séquences de la vie, la vraie. Sortent-elles de l’imaginaire de l’héroïne, de sa mère, de son entraineur, ou de quelqu’un d’autre encore ?

Quand vient enfin le jour du championnat de France pour le club de Sarah, c’est trop de pression pour elle, qui se retrouve violemment confrontée à sa crainte : échouer, et admettre devant tous que le patinage artistique, ce n’est plus pour elle. Même avec une fin qui sent un peu le réchauffé, Kiss and Cry reste un premier long-métrage avec des qualités indéniables.

 
Kiss and Cry de Chloé Mahieu et Lila Pinell, avec Sarah Bramms, Xavier Dias, Dinara Droukarova… France, 2017. Présenté à la sélection ACID au 70e Festival de Cannes.

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