God Bless America, de Bob Goldthwait

 

Joel Murray et Tara Lynne Barr dans God Bless AmericaDes films qui fustigent méchamment la vacuité de la société américaine actuelle, il y en a eu pléthore. On se remémore Chute libre de Joel Schumacher, Tueurs nés d’Oliver Stone, Serial Mother de John Waters, Ghost World de Terry Zwigoff, Live ! de Bill Guttentag et certains réalisateurs comme Todd Solondz ou même les frères Coen se sont spécialisés sur ce thème, avec plus ou moins de bonheur. Mais aucun ne parvient à la cheville de God Bless America, diatribe sanglante et jouissive sur la société des médias et ses dérives. A force de subir passivement des images de plus en plus sensationnelles et choquantes et de vouer un culte à la société de consommation (Apple en incarnant le symbole, notamment à travers cette scène pathétique où une fillette se roule littéralement par terre parce que sa mère lui a offert un Blackberry à la place d’un iPhone), les gens ne communiquent plus que pour partager le superficiel avant l’essentiel, tout en étant le plus cruel possible. Et à travers les personnages de Frank et Roxy (magnifiques Joel Murray – le frère de Bill – et Tara Lynne Barr) qui en ont assez de toute cette bouillie visuelle et sonore qu’on leur inflige, on tue par procuration, avec un plaisir même pas coupable… Une adolescente veut faire partager sa beauté et sa richesse par l’intermédiaire d’une fête tape-à-l’œil diffusée sur MTV ? Bang ! Des rustres qui téléphonent pendant un film et mangent bruyamment du pop corn ? Re-bang ! Les animateurs pénibles d’une émission de télé-crochet qui humilient les candidats ? Peine capitale ! Frank et Roxy sont les justiciers du XXIe siècle. Ils tuent avec une telle délectation qu’un insidieux malaise peut saisir celles et ceux qui prennent leur équipée sauvage et meurtrière au premier degré. Car ici, sous des atours réalistes, c’est bien d’une énorme farce qu’il s’agit. Et rarement, on aura été aussi loin, comme lors de la scène d’ouverture où un bébé vociférant qui rend Frank insomniaque, sert de cible à sa carabine. Reste qu’à l’heure où un assassin ouvre le feu dans un cinéma pendant une projection, où la violence règne en maître dans chaque programme télé sans que cela n’émeuve plus personne, de telles scènes ne sont-elles pas le reflet de ce qu’elles tendent à dénoncer, utilisant le mal pour vaincre et condamner le mal ? Il y a matière à polémique. Surtout avec le personnage de Roxy, jeune fille mineure qui flingue son prochain au sens propre comme au figuré. Avec God Bless America, Bob Goldthwait suscite autant le rire que la réflexion. Et c’est tellement rare que ça vaut la peine d’être vu. Et de revendre sa télé.

 
God Bless America de Bob Goldthwait, avec Joel Murray, Tara Lynne Barr… Etats-Unis, 2012. Sortie le 10 octobre 2012.

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