Desierto, de Jonas Cuarón

 

Desierto, de Jonas CuarónDans le désert, personne ne vous entendra hurler de douleur. Peut-être, répercuté sur les montagnes environnantes, percevra-t-on l’écho de la balle qui vous traversera de part en part. Tel est le quasi point de départ de Desierto, premier long-métrage de Jonas Cuarón qui a de qui tenir… En effet, le fils d’Alfonso Cuarón a déjà signé le court Aningaaq, miroir terrestre de Gravity renvoyant à la discussion que tenait Sandra Bullock avec un Inuit à quelques centaines de milliers de kilomètres de distance. Et on retrouve dans ce Desierto cette même ambiance de huis clos, en pleine nature sauvage. Car il s’agit là de l’affrontement de deux hommes. L’un qui doit survivre (Gael Garcia Bernal, toujours aussi magnétique et qui produit le film, comme un remerciement au fils de celui qui le lança dans le cinéma) et l’autre, chasseur d’immigrés mexicains (Jeffrey Dean Morgan, bien trop rare). Autour d’eux, les corps de ceux qui viennent d’être assassinés, tandis qu’ils essayaient de gagner les Etats-Unis, la terre promise. Et pour seul bruit, hormis celui du vent, le claquement des aboiements d’un chien amateur de chair humaine…

Des films de chasse à l’homme, de traques en terres hostiles, il y en a pléthore. On ne compte plus les Délivrance, Vieux Fusil et autre Predator. L’homme est un loup pour l’homme et tous les moyens sont bons pour survivre. Desierto, porté par la musique toujours pompeuse et fascinante de Woodkid, n’échappe pas à toutes les bonnes règles à suivre pour réussir son film. L’empathie pour le héros (qui aide son prochain comme il se doit), la haine fétide contre le chasseur (dont les motivations sont balayées par un simple racisme anti-Mexicains que ne renierait pas Donald Trump), des paysages à couper le souffle (le pendant aride de The Revenant d’Alejandro González Iñárritu), une jeune fille en danger, un animal malfaisant qui rôde, la mort à chaque tournant, brutale et sanguinolente, le face-à-face final. Et pourtant, le film happe, provoque des sueurs froides malgré le sol craquelé uniquement nourri du sang des corps qui tombent. Et le dernier quart d’heure est autant tragique qu’absurde. Un jeu du chat et de la souris autour d’une montagne escarpée. Comme un cartoon de Bip bip et Coyote où il en va de sa survie. Un film presque muet où tout réside dans l’émotion des deux protagonistes, traqueur et chassé. Deux visages crispés, l’un pour tuer, l’autre pour tenter de survivre. Deux visages qui ne se feront jamais face pour tenter de comprendre pourquoi ils en sont là, réduits à l’état d’animaux sauvages. Deux pertes d’humanité qui s’affrontent en terre inconnue. Ne reste que le désert, personnage principal qui lui, reste immuable. La nature l’emporte toujours…

 
Desierto de Jonas Cuarón, avec Gael Garcia Bernal, Jeffrey Dean Morgan, Alondra Hidalgo, Diego Catano… Mexique, 2015. Sortie le 13 avril 2016.