Le Convoi sauvage, de Richard Sarafian

 

Into the wild

Affiche du film Le Convoi sauvage de Richard Sarafian

En 1820, le trappeur Zachary Bass, laissé pour mort après avoir été attaqué par un grizzly, tente de survivre au sein d’une nature hostile avec une seule idée en tête : se venger de ceux qui l’ont abandonné.

Ah, le mythe de l’homme dans la nature ! Au début des années 1970, le cinéma américain est fortement influencé par la vague hippie professant la communion avec la nature et le retour aux valeurs américaines traditionnelles. Ainsi sortent des westerns qui redonnent aux Indiens leur humanité, leur langage et leur humour (Little Big Man pour n’en citer qu’un) et d’autres qui relatent l’histoire des « mountain men », ces hommes qui ont vécu, en marge de la vie civilisée, une expérience étroite avec une nature magnifique, mystérieuse et dangereuse. Le plus connu est certainement Jeremiah Johnson de Sydney Pollack, sorti en 1972. Robert Redford y abandonne la civilisation pour s’installer dans les Montagnes rocheuses et apprendre à survivre seul. Le film s’inspire de la vie de John Johnson, mountain men légendaire, surnommé Johnson le mangeur de foie.

Le Convoi sauvage (Man in the Wilderness en VO) est de ceux-là, également inspiré d’une histoire vraie (celle de Hugh Glass) ; bien moins connu que Jeremiah Johnson parce que Warner, qui le distribuait, ne l’a pas compris et n’a pas assuré sa promotion, le film de Richard Sarafian est pourtant un rare chef-d’œuvre, « un film profond sur l’âme humaine » (1). Comme dans Point limite zéro, tourné quelques mois plus tôt, le cinéaste s’empare d’un sujet en vogue (la vitesse, la liberté, le retour à la nature) pour interroger l’homme et son rapport au monde. La survie du mountain men Zachary Bass est finalement moins importante que le chemin existentiel qu’il fait. Le Convoi sauvage est un film subtil sur un sujet qui aurait pu ne pas l’être du tout (la survie dans un monde hostile et le désir de vengeance), un film silencieux, fait de plusieurs flash-back géniaux qui éclairent petit à petit la personnalité d’un héros désabusé, soudain touché par la beauté de la nature.

En arrière-plan de cette superbe histoire, le fameux convoi sauvage du titre, embarcation invraisemblable filant comme une limace sur la terre, menée par Henry Filmore (John Huston), capitaine de navire ivre de commandement au couvre-chef poussiéreux, aussi mystique que le capitaine Achab de Moby Dick. C’est après cet équipage baroque que court Zachary Bass. Il incarne la culpabilité de ses anciens compagnons, convaincus qu’il n’a pas succombé à ses blessures et viendra se venger par-delà les montagnes, tel un dieu vengeur. Le Zachary Bass du Convoi sauvage (magistralement interprété par Richard Harris) est un mythe, un personnage hors du temps profondément changé par l’expérience de la nature. Richard Sarafian, injustement considéré comme un cinéaste mineur, a réalisé un film incroyable, leçon de (sur)vie, bien plus révélateur de « l’âme de l’Ouest » (2) que la plupart des westerns (alors que, ironiquement, il a été tourné en Espagne pour des questions de budget). Sa réédition en DVD aujourd’hui chez Wildside, dans un double coffret contenant des bonus, un livre inédit et un second film de Sarafian (Le Fantôme de Cat Dancing) constitue assurément la plus belle nouvelle de cet été 2011.


Le Convoi sauvage (Man in the Wilderness) de Richard C. Sarafian, avec Richard Harris et John Huston. Etats-Unis, 1971. Edition DVD en coffret prestige chez Wildside vidéo le 6 juillet 2011, avec également le film Le Fantôme de Cat Dancing et le livre inédit de Philippe Garnier “L’Ame de l’Ouest”.

(1) Extrait de l’entretien avec Richard Sarafian dans les bonus du DVD.
(2) « L’Ame de l’Ouest » est le titre du livre de Philippe Garnier qui accompagne l’édition DVD du
Convoi sauvage.

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