Skull, de Robert Hall

 

Skull, de Robert HallAmi cinéphile qui aime arpenter les rayonnages de DVD et Blu-ray dans les grandes, moyennes ou petites enseignes, ceci est une mise en garde avant que tu optes pour le visionnage du film Skull. Pourquoi ce titre et pas un autre ? Serait-il particulièrement néfaste, voire dangereux ? Que nenni, cher ami. Il serait juste dommage que ton appréciation du film soit gâchée par le fait d’ignorer certains codes et certaines subtilités dont la connaissance me paraissent nécessaires pour que le travail accompli sur cette œuvre soit reconnu.

Sais-tu vraiment ce qu’est Skull ?

La jaquette promet un slasher dont le tueur porte un masque chromé à l’effigie d’un crâne humain. Un tueur très contemporain puisqu’il filme ses victimes avec une caméra sur son épaule. Jusqu’ici tout va bien, rien de très choquant (à part peut-être la tagline « Fuyez, vous êtes filmés… »). Mais, ce que tu ignores, cher amateur de séries B sanguinolentes, c’est que Skull, en V.O., se nomme Chromeskull : Laid To Rest 2. Un détail, certes, dont l’importance se fait sentir dès le début du film puisqu’il démarre là où Laid To Rest, donc son prédécesseur, s’arrêtait. L’histoire commence donc sur des chapeaux de roue (si le montage était au diapason…) avec une équipe qui vient prendre en charge le tueur pour le soigner et l’héroïne, traumatisée par ce qu’elle a vécue (et il faut dire qu’elle est bien la seule…), prend une douche et illico… se fait tuer. Trois mois plus tard… les choses continuent, le tueur a presque un nouveau visage, mais un employé de cette agence bizarre se prend un peu trop au jeu et commence lui-même a tuer des jeunes gens et on comprend que le tueur, donc le vrai, lui tuait pour des raisons particulières, bien que pas vraiment…

Alors faut-il voir le premier film pour apprécier Skull ? En fait non. La folie de ce second volet ne requiert pas vraiment de visionner Laid To Rest, tout au plus on lira avec une certaine attention la fiche Wikipedia. Skull, c’est le postmodernisme dans tous ses états, la suite qui peut ne pas en être une tout en signifiant son appartenance à la franchise.

Skull, c’est une autre vision de la réalisation

La caméra posée, qui sagement retranscrit les actions, propose un cadre, délimite des espaces, ce n’est pas du tout l’idée que se fait Skull de la mise en scène. Ici, on colle au personnage, on multiplie les gros plans et quand le personnage bouge, on bouge avec lui en lui collant à la peau. La lisibilité, c’était avant, Skull est une œuvre qui s’affranchit des anciens codes, qui en invente de nouveaux, ou plutôt qui observe ce qui se passe quand on appuie sur REC et qu’on improvise. Encore une fois, on reconnait ici le penchant postmoderne de ce slasher incroyablement futé : dénoncer l’artifice de la mise en scène avec un personnage qui porte une caméra en nous montrant son parcours de manière difficilement lisible pour nous soumettre à l’illisibilité de ce monde, le tout dans un film de genre ultra-codé mais dont nous connaissons les codes, et ainsi mieux nous induire en erreur.

Le non-sens érigé en principe d’écriture

Ultime preuve de son audace, Skull refuse la simplicité en optant pour des personnages auxquels on ne peut pas s’identifier qui sont en train d’accomplir des actes sans aucune logique. Pourquoi en effet céder à la facilité et imposer au spectateur une grille de lecture vue et archi-revue ? Skull s’empare des codes du slasher, les malmènent, les vident de leur sens et les recrache en une bouillie difforme et étrangement intrigante que ne refuseraient pas certains artistes contemporains. Il en ressort une impression d’errements des personnages qui tels des somnambules égarés rêvent leurs parcours à travers des décors sans âmes, simples reflets déformés de leur vide existentiel. Et les blessures infligées par le tueur sont autant de grimaces, de rictus de douleur, des balafres qui crient leur malaise à la figure d’un monde odieux, imbécile et ignorant. Ici, il n’y a pas de place pour le « sens ». Pas de refuge pour la « logique ». Il n’y a que la mort, partout, sans qu’aucune raison valable ne le justifie.

Ainsi, comme il faut s’armer de courage avant de visionner Sharknado, il faut puiser au fond de ses ressources pour supporter la vision de Skull, et se préparer à ne pas en ressortir indemne.

 
Skull (Chromeskull : Laid To Rest 2) de Robert Hall, avec Nick Principe, Danielle Harris, Brian Austin Green, Thomas Dekker… Etats-Unis, 2011. Sortie DVD le 11 avril 2014.

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